Under a Killing Moon (PC, 1994)

icone ordinateur pcUNDER A KILLING MOON
Année : 1994
Studio : Access Software
Éditeur : Access Software
Genre : Marlowe 2042
Joué et testé sur PC
Support : CD-ROM


Me voici de retour dans mon bureau humide, défraichi et poussiéreux. Tout est dans le même état qu’il y a quelques jours, quand j’ai eu la bonne idée de dire oui à un job facile. Ce soir-là, la pluie tombait sur San Francisco et j’avais la tête dans le sac à cause d’une ou deux bouteilles de whisky avalées un peu trop vite suite à une énième dispute énergique avec celle qui était ma femme. Un soir comme les autres en somme. Je me lamentais sur mon sort, mon manque d’argent chronique, ma malchance avec les femmes et la méchanceté de ma concierge. Et ça a merdé. Je ne peux pas vous dire quand ni pourquoi, mais comme d’habitude les pires emmerdes qui soient se sont invitées à mon chevet et m’ont susurré des mots doux aux oreilles. J’ai jamais pu résister à une emmerde, surtout quand elle prend la forme magnifiquement bien roulée de la Comtesse Regnier. Un sourire, un paquet de dollars, et je me suis retrouvé à traquer une statue en cristal qu’on lui avait volée. Mais voilà je ne suis qu’un pauvre privé un peu alcoolo et une fois encore on a omis de tout me raconter. Remarquez ça n’aurait pas été franchement drôle. J’ai adoré découvrir cette prophétie de fin de monde, cette Confrérie de la Pureté, et le lien qui unit tout ça à la fameuse statue. J’ai surtout adoré me retrouver en plein centre d’un maelström sans rien avoir demandé. Et sans mon flingue, j’ai dû lutter pour m’en extraire en faisant appel à mes principaux atouts : ma chance, mon humour et un tout petit peu de flair. Et me revoilà dans mon bureau. J’crois que je vais finir ce que j’avais laissé en plan : ma bouteille de whisky.

Amateurs de romans noirs, vous n’avez pu passer à côté de Tex Murphy, le fameux privé de San Francisco. Avec son look, son attitude et ses méthodes dignes de Marlowe, il jure dans le décor post WWIII et désespéré du Frisco de 2042. Tex Murphy c’est l’essence même du noir porté en jeu vidéo. Tout y est : femme fatale, cynisme, peinture sociale, bas instincts humains et l’anti-héros acculé malgré lui à se débattre dans quelque chose qui le dépasse. Et c’est cette ambiance rétro, formidablement assaisonnée de SF light qui fait le principal atout de la série des Tex Murphy et de cet Under a Killing Moon en particulier. Quand le jeu est sorti en 1994, la communauté des joueurs l’attendait de pied ferme après deux très bons opus, et a d’abord cru défaillir tellement le jeu était gourmand en ressources. Il fallait un PC « state of the art » pour espérer le faire tourner car comme à son habitude Access Software avait décidé de proposer un jeu à la pointe de la technique du moment. Déjà le premier volet Mean Streets avait parié sur le 256 couleurs VGA alors que ce n’était pas le standard répandu. Et Under a Killing Moon va proposer des environnements en full 3D dans lesquels sont intégrés des personnages filmés puis digitalisés. Autant dire que ce fut un choc graphique des plus enthousiasmants, pour ceux qui avaient la chance d’avoir la bécane nécessaire.

Comme dans tout bon soft d’enquête-aventure mixé de point & click, le jeu se déroule par tableaux successifs que l’on peut entièrement explorer dans ses moindres recoins pour chercher le plus petit indice. Et comme en plus les décors sont magnifiques, fouillés et emplis d’une foultitude de détails, la partie recherche est un vrai plaisir, à peine gâchée (enfin si, quand même bien gâchée, soyons honnêtes) par une manœuvrabilité hasardeuse et pas franchement bien adéquate. C’est d’ailleurs cette manœuvrabilité qui rend compliqué un des moments phares du jeu, le seul moment en temps réel où on doit réagir en fonction des déplacements d’un pod de surveillance pour fouiller un bureau et se cacher quand il revient. Un vrai moment de galère où le système de sauvegarde libre doit être utilisé après chaque action histoire ne pas avoir à refaire ce chemin de croix depuis le début. De quoi perdre patience et faire oublier que finalement Under a Killing Moon est blindé de qualités et que c’est bien là sa seule faiblesse.

Car sur le reste il n’y a rien à reprocher. Les dialogues sont excellents, les personnages truculents et l’humour cynique omniprésent fait contrepoint à l’ambiance pesante et glauque de ce futur délabré qu’on ne veut surtout jamais connaître. Le genre le veut, donc on se laisse entrainer dans une descente aux enfers graduelle extrêmement bien gérée. Le jeu commence en effet par une enquête de routine. Une enquête trop facile. Et d’un coup la femme fatale fait son entrée. Et tout dérape. Les femmes sont le point faible de tous les privés dignes de ce nom et la Comtesse Regnier n’y échappe pas. Ce pivot narratif classique est utilisé avec soin par des scénaristes qui connaissent sans aucun doute leurs gammes et leurs classiques. Certes au final l’histoire d’Under a Killing Moon n’est pas des plus révolutionnaires, mais elle est accrocheuse et rythmée par de nombreux rebondissements qui font que, comme Murphy, le joueur a envie d’aller plus loin dans l’enquête. Enquête classique soit dit en passant. On trouve des indices, on ramasse des objets, on interroge des témoins et on se rend sur un autre lieu où un objet préalablement récolté pourra servir. Le principe du point & click dans toute sa splendeur avec ce que cela comporte de choses tordues ou pas forcément évidentes de prime abord. D’ailleurs Access Software avait prévu le coup et Under a Killing Moon est équipé d’un outil de résolution d’indices, qui ne simplifie pas cependant trop le challenge. On peut donc demander une aide quand on le désire, mais cette aide n’est pas généraliste et centrée sur un indice ou une action. Et surtout elle fait perdre des points au capital du joueur. Le scoreur aura donc une réaction épidermique à utiliser le système tandis que le joueur du dimanche l’accueillera avec le sourire. L’essentiel n’étant finalement pas de relever des défis impossibles mais bel et bien de vivre une aventure. Le pari est réussi.

Note :      Nostalgie :

Under a Killing Moon est une franche réussite. Technique tout d’abord, malgré la lourdeur des déplacements. Mais surtout scénaristique. Le genre noir y est traité avec respect et fusionné avec une touche SF agréable. Les amateurs de cinéma seront même ravis d’y retrouver Margot Kidder aka Lois Lane dans le rôle d’une barmaid mais aussi James Earl Jones aka la voix de Darth Vador ou même Thulsa Doom. Un bien beau casting pour un jeu immanquable. Et je ne saurais trop vous conseiller de jeter un œil vers les autres épisodes de la saga Tex Murphy : Mean Streets, Martian Memorandum, The Pandora Detective et Overseer. À quand le retour de notre privé préféré ?

Avant-première du jeu sur M6 :

mag vintage

Under a Killing Moon (PC, 1994)
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