Méwilo (Amstrad, 1987)

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Année : 1987
Studio : Coktel Vision
Éditeur : Coktel Vision
Genre : éruption de pixels
Joué et testé sur Amstrad CPC
Support : disquette


Le 7 mai 1902. Vous êtes un parapsychologue de renom, dont les capacités frôlent parfois, dit-on, les limites reconnues par la science. Alors que la montagne Pelée gronde, vous débarquez dans le Nord de la Martinique, à Saint-Pierre, afin de résoudre un épineux mystère. La famille Hubert-Destouches entend en effet de drôles de bruits, la nuit venue. Certains racontent même qu’il s’agirait d’une histoire de fantôme… voire de zombie.
Il sera bien question d’esprits, dans votre aventure. Surnaturels, peut-être. Mauvais esprits, aussi ? C’est qu’en replongeant dans la triste réalité de l’esclavage, récemment aboli, vous allez rouvrir des plaies encore bien douloureuses – et dont les racines semblent bien ancrées dans la vie des békés et autres grands propriétaires terriens.

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J’ai déjà eu l’occasion de parler de MEWILO sur ce blog, lorsque j’avais décortiqué la version Atari ST de ce jeu atypique. J’ai eu envie de revenir un peu dessus afin de partager avec vous toutes les images magnifiques, gonflées aux pixels d’appellation d’origine contrôlée, de la version Amstrad CPC.

MEWILO est, à mon sens, un jeu important. Si à première vue il ne semble être qu’un jeu d’aventure de plus (comme il en pullulait dans les années 80/90), il en va en réalité tout autrement. Tout d’abord sur le fond, MEWILO respire, parle la culture antillaise. Chose assez rare pour être signalée. La créatrice du jeu, Muriel Tramis, n’y manie pas la langue de bois pour parler du fer (que portaient les esclaves) ou du feu (habitant l’entrejambe de certains propriétaires terriens). Un parler cru, et vrai, qui ne s’embarrasse pas de faux semblants et qui était assez rare, à l’époque (voire aujourd’hui encore ?). Cerise sur le gâteau à l’ananas antillais, le joueur devra apprendre à dompter le vocabulaire martiniquais s’il veut un jour voir le bout du tunnel… de cendres. Car l’éruption de la montagne Pelée est proche. Relents d’esclavagisme inscrits en filigranes dans la société martiniquaise du XXème siècle, rituels surnaturels et croyances ancestrales, cuisines locales, éruption tristement historique… Oui dans MEWILO tout est réuni pour vous faire plonger dans l’Histoire avec un grand H, qui n’oublie pas, fort heureusement, de s’attarder également sur les petites anecdotes et autres intrigues familiales fictives mais ô combien importantes pour bien comprendre le fonctionnement de Saint-Pierre, en 1902. Une dernière aventure, une dernière bouffée d’air frais avant la fin d’un monde et la disparition de la ville, qui pliera sous les coups de boutoir ardents et suffocants de la montagne Pelée. Par conséquent, il se dégage de MEWILO une ambiance assez étrange. Déambuler dans la ville (chercher des objets, pointer et cliquer), parler avec des personnages hauts en couleur mais qui, le joueur le sait désormais, disparaitront dans quelques dizaines d’heures à cause d’une catastrophe effroyable. Une ville en équilibre. En sursis. Chaque parole, chaque geste parfois ancestral, prend alors davantage d’importance.

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Sur la forme aussi, le travail accompli est loin d’être anecdotique puisque de nombreux tableaux du jeu (le plus souvent fixes) reprennent des images d’archives d’avant la catastrophe (des cartes postales). On en vient alors à la version Amstrad du jeu. Elle est bien évidemment moins agréable à parcourir que la version Atari ou Amiga, cela va de soi. Surtout que, malgré les apparences, MEWILO n’est pas un jeu facile puisqu’il vous faudra parfois dénicher un objet de la largeur de quelques pixels pour progresser dans l’aventure. Autant dire que c’est bien plus agréable sur un ordinateur 16 bits plutôt que sur un 8 bits – il manque d’ailleurs une scène sur Amstrad : le salon, et le curseur censé représenter un colibri ressemble ici à un petit crucifix jaune. Néanmoins, le travail graphique effectué est de grande qualité pour un Amstrad CPC. Les couleurs sont chatoyantes et les graphismes rendent véritablement hommage aux images d’époque.

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Si les mécaniques de MEWILO ont définitivement mal vieilli, et que seuls les retrogamers endurcis parviendront à prendre du plaisir à parcourir Saint-Pierre, ses ruelles, les flancs brûlants de sa montagne menaçante, il ne faut pas sous-estimer l’aspect historique d’un tel projet – autant d’un point de vue vidéoludique que culturel. Apprendre en jouant, c’est bien – surtout quand cela est fait savamment, de sorte que le joueur ne s’aperçoit même pas qu’il se cultive.

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Enfin, pour celles et ceux qui sont intéressés (mais si vous êtes toujours là, c’est bon signe), sachez que MEWILO n’est pas une œuvre isolée dans la carrière de Muriel Tramis. On pourrait même parler de triptyque centré sur la culture martiniquaise (et accessoirement sur l’esclavagisme rampant). Après MEWILO, Muriel Tramis a en effet créé FREEDOM, un jeu de stratégie où, en une nuit, le joueur doit s’échapper d’une plantation. Puis en 1993 LOST IN TIME, aventure nimbée de science-fiction qui fait basculer une jeune femme dans le passé, à l’époque de l’esclavage.

Note :      Nostalgie :

MEWILO est un jeu important. Il traite de thèmes très adultes, navigue dans l’histoire de la Martinique tout en invitant le joueur à découvrir une culture, une ville qu’il ne connaît peut-être pas. Images d’époque (pixelisées), spécialités et vocabulaire locaux, vous plongerez littéralement dans un monde riche et passionnant à parcourir. D’un point de vue strictement ludique, il faut néanmoins reconnaître que MEWILO n’a pas forcément bien vieilli. Si vous n’avez pas connu cette époque, vous risquez bien de ne pas tenir plus de 10 minutes. Par contre, si vous possédiez un ordinateur Amstrad CPC 464 ou 6128 dans les années 80, vous devriez vivre avec MEWILO une aventure avec un grand A – pour peu que vous fassiez preuve d’imagination et de quelques efforts face à la rigidité du gameplay.

Images : Jeux vidéo et des bas

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