Takeshi no chôsenjô (Famicom, 1986)

icone FamicomTAKESHI NO CHÔSENJÔ
Titre alternatif : Takeshi no chousenjou
Année : 1986
Studio : Taito
Éditeur : Taito
Genre : can you beat Takeshi?
Joué et testé sur Famicom
Support : cartouche


Un salaryman japonais mène une vie bien morne. Que doit-il faire ? Démissionner de son travail inepte, se battre avec sa femme et ses gosses ? Se saouler dans les bars à hôtesses, dépenser tout son fric dans les pachinkos ou encore provoquer les yakuzas ? À vous de faire les bons (et les mauvais) choix. Le rêve d’une île paradisiaque loin, très loin de votre grisaille quotidienne, n’est peut-être plus une utopie.

On raconte beaucoup de choses au sujet de TAKESHI NO CHÔSENJÔ. Et Internet en a fait à la fois un jeu un peu culte, et hors normes. Beaucoup d’histoires sont fausses (ou exagérées). Par exemple il n’a jamais été question de devoir chanter dans le micro du deuxième pad pendant des heures pour battre un boss (oui les premières Famicom avaient un micro intégré). D’autres détails demeurent très obscurs : il serait ainsi possible d’arriver directement à la fin du jeu en appuyant 20000 fois sur le bouton A à l’écran du menu, et de la même manière ne pas toucher le pad durant plusieurs heures aurait aussi une incidence sur le jeu (en fait non, même si un passage vous demandera d’attendre entre cinq minutes et une heure pour révéler les indications présentes sur une carte). Ces histoires sont en réalité souvent colportées par des internautes n’ayant jamais joué au jeu (ou pas plus de dix minutes). TAKESHI NO CHÔSENJÔ n’a donc rien d’une légende vidéoludique, et n’est absolument pas culte, ou rare, au Japon (on le trouve pour trois fois rien, même en boîte).

Maintenant, il faut bien reconnaître que TAKESHI NO CHÔSENJÔ est assez incroyable dans son genre, et en forçant un peu le trait on pourrait même dire qu’il s’agit d’un SHENMUE avec quinze ans d’avance ! Dans TAKESHI NO CHÔSENJÔ on se retrouve en effet lancé dans une aventure qui n’en n’est pas une (on incarne un piteux salaryman japonais) et, en gros, il faut trouver ce qu’il faut faire pour progresser. On peut se promener dans toute la ville, aller au cinéma, manger des ramen, boire du shôchu ou de la bière, aller au karaoke, à la banque, jouer au pachinko, se battre avec des yakuzas, baffer des hôtesses, apprendre à danser, à jouer d’un instrument, acheter des livres (dont un de Beat Takeshi – tiens c’est qui cet énergumène ?) ou encore réserver un billet d’avion pour une destination au bout du monde. Mais dans quel but ?! C’est là tout le problème (ou le génie, c’est selon) du jeu : on ne sait pas trop quoi faire, et très franchement je ne vois pas comment on peut deviner qu’il faut en réalité retirer l’argent de sa banque avant de se saouler dans un bar pour ensuite s’engueuler avec sa femme, divorcer, démissionner, jouer au pachinko et perdre en chantant (dans le micro !), ce qui fera apparaître des yakuzas de bas étage qu’il faudra combattre, ce qui permettra de gagner plein de billes de pachinko qu’il faudra échanger contre un shamisen, tout cela pour, après bien des péripéties, récupérer la carte au trésor d’une île lointaine des mains d’un vieil original sorti de je-ne-sais-où. Le pire, là-dedans, c’est que tous les choix cruciaux sont à faire par le biais de menus contextuels, parfois très nombreux (en gros, comment savoir qu’il faut choisir un shamisen plutôt qu’une guitare ? Le divorce plutôt que la réconciliation ?). Des micro-indices sont bien présents dans la notice ou des publicités mettant en scène Kitano Takeshi, mais c’est bien maigre… En parlant de Kitano, on peut certainement voir, dans cette progression non-sensique de l’intrigue, la marque de ce grand humoriste devenu une véritable légende au Japon (même s’il s’est assagi depuis qu’il a été reconnu comme un vrai grand réalisateur de cinéma, ça ne l’empêche de s’habiller encore en spermatozoïde géant à la télévision, de temps à autres). Takeshi qui a donc activement participé à l’élaboration du jeu, soumettant ses idées folles à Taito, pour faire de TAKESHI NO CHÔSENJÔ un titre à part aujourd’hui encore. Beat Takeshi (son nom de scène) aurait d’ailleurs avoué avoir cherché à faire le pire soft de l’histoire, car il détesterait les jeux vidéo : je crois moyennement à l’existence de ces propos, de plus Taito n’est pas non plus la première boîte venue, et leur TAKESHI NO CHÔSENJÔ n’est finalement pas si mauvais que ça. Moi, des pubs que j’ai vues, j’en retire seulement que Takeshi a déclaré avoir souhaité faire le jeu le plus dur de la Famicom. Par contre… il est fort probable que Kitano ait cherché à se moquer quelque peu des joueurs, en leur proposant des choses qu’ils n’ont pas l’habitude de voir dans des jeux vidéo (attendre réellement devant son écran, se retrouver bloqué sans savoir pourquoi…).


Ci-dessus : le pachinko, l’une des trois scènes nécessitant l’utilisation du micro du deuxième pad (présent sur les premiers modèles de la console). J’ai la chance d’avoir ce modèle, mais le micro est en fait très grossier, en gros il suffit de souffler dedans, inutile de respecter le rythme de la chanson durant le karaoke, par exemple.

Comme je l’ai déjà dit, l’aventure se déroule dans un univers ouvert (une ville) mettant en scène un anti-héros (un salaryman paumé) dans des situations originales, avec des choix extrêmement nombreux et des tas de détails savoureux : je ne vais pas tous les lister, mais par exemple sachez que vous pouvez apercevoir, à côté de votre maison, la peinture d’un petit torii au bas d’un mur. On trouve généralement ces grands torii à l’entrée des sanctuaires shinto… Mais pourquoi diable des gens s’entêtent-ils à en dessiner de tout petits sur certains murs ou poteaux électriques ? Je vous laisse chercher la réponse (qui est bien marrante)… En tous les cas si vous passez au Japon, cherchez ces petits dessins, vous devriez en trouver pas mal près des maisons.


Ci-dessus : le petit torii peint sur une barricade. Des gens peignent ce symbole sur des murs par exemple, pour que les hommes cessent d’uriner à cet endroit – par respect pour les sanctuaires (que le torii symbolise).

Ce souci du détail fait tout le charme de TAKESHI NO CHÔSENJÔ, et les choix multiples proposés durant toute l’aventure lui apportent une richesse énorme pour un jeu des années 80. Hélas, comme précisé un peu plus haut, on navigue dans un flou certain et quand on sait que le jeu ne pardonne quasiment rien on finit par se décourager quelque peu. En gros, arrivé à un certain point, si vous n’avez pas tout fait comme il faut – démissionné, divorcé, appris à jouer du shamisen, étudié une langue particulière… eh bien vous ferez face à un écran de Game Over. De plus, les scènes d’action sont imbuvables et les flics et autres yakuzas sont bien trop nombreux (y’a bien un moyen pour vider l’écran des ennemis en utilisant le glitch du bouton SELECT, mais ça finit par devenir rasoir – comme l’horrible mélodie qui vous accompagne à chaque seconde, de la saoule music !).

Au final il est bien difficile d’émettre un avis objectif sur TAKESHI NO CHÔSENJÔ. Blindé d’idées originales et fourmillant de petits détails géniaux, le jeu de Taito est aussi miné par un flou trop prononcé autour de son intrigue (c’est parfois à s’arracher les cheveux), par des éléments de game design bizarres qui paraissent être là uniquement pour se moquer des joueurs, et par une maniabilité hasardeuse à certains moments (on se serait bien passé des scènes d’action et des plates-formes horribles à la fin). Maintenant, il ne s’agit pas non plus du pire soft de l’histoire (il est parfois présenté ainsi sur Internet), voire au contraire d’un jeu mythique aux secrets hardcores et stratosphériques. Mais beaucoup de joueurs en parlent sans y avoir vraiment touché, ou sans même savoir parler japonais ; élément indispensable pour pouvoir apprécier TAKESHI NO CHÔSENJÔ (un petit niveau en japonais suffit à mon avis, puisqu’il n’y a aucun kanji, tout est écrit en hiragana/katakana). En tout état de cause, TAKESHI NO CHÔSENJÔ se pose en véritable icône de l’aventure ouverte avec mini jeux (avant SHENMUE) accompagnée d’une bonne dose de mauvais goût (on peut bastonner les innocents – même les femmes, et ce bien avant l’avènement de GTA) et d’avant-gardisme timbré (chanter dans le micro du pad pour simuler le karaoke, attendre réellement cinq minutes sans rien toucher lorsque vous plongez la carte dans l’eau pour en révéler les indications cachées, etc.). Vous tenez sans doute là un bon prétexte pour vous mettre enfin au japonais… et ainsi vous lancer dans l’aventure grotesque de TAKESHI NO CHÔSENJÔ, sur la petite console 8 beats (Takeshi) de Nintendo !

Note : joystick half      Nostalgie :

Difficile de noter un tel jeu, à la fois pétri de qualités (original, voire même quasi-expérimental, drôle et offrant un univers ouvert) mais également miné par de gros défauts, peut-être volontaires pour se moquer des joueurs, et qui donnent souvent envie d’abandonner (dur et limite non-sensique du coup on ne sait pas quoi faire, scènes d’action affreuses). Quoi qu’il en soit, TAKESHI NO CHÔSENJÔ est un jeu à part, et même si beaucoup de fausses rumeurs circulent sur le Net à son sujet, un soft dans lequel vous pouvez être confronté à un écran de Game Over avant d’avoir commencé à y jouer, ça a un petit côté indispensable. Ou pas.

Images : Jeux vidéo et des bas

Une vidéo de gameplay (le  bonhomme sait exactement quoi faire, et il le fait vite / attention,  c’est de l’émulé) :

Deux pubs pour la sortie du jeu :

Les 20000 coups de poing pour arriver au dernier niveau : possible, pas possible ? La réponse en vidéo :

mag vintage

Takeshi no chôsenjô (Famicom, 1986)
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