THE WALKING DEAD: A TELLTALE GAMES SERIES
Titre alternatif : The Walking Dead: Season One
Année : 2012
Genre : bonne apathie ?
Studio : Telltale Games
Éditeur : Telltale Games
Joué et testé sur PlayStation 3
Support : Blu-ray
Alors que le monde semble se vider petit à petit de ses âmes pour se remplir de cadavres affamés et ambulants, Lee Everett, victime d’un accident de voiture alors qu’il prenait la direction de la prison, va errer dans une ville d’Atlanta ravagée. Il va alors tomber sur Clementine, une petite fille à la recherche de ses parents disparus.
Pour Lee et Clementine, l’aventure ne fait que commencer…
Encensé de toutes parts, élu jeu de l’année 2012 par un certain nombre de joueurs et de professionnels du milieu, THE WALKING DEAD propose une aventure incroyable à mi-chemin des comics et de la série télévisée éponymes. Simple point & click aux mécaniques incroyablement simplifiées (mais qui ne cède pas à la facilité des QTE moisis de HEAVY RAIN), THE WALKING DEAD puise en réalité toute sa richesse dans son écriture et son gameplay, axé sur la prise de décision en temps réel parmi plusieurs choix possibles – ou plutôt devrais-je dire « impossibles », tant les différentes options proposées sont le plus souvent cornéliennes. Un exemple : si l’un de vos camarades d’infortune a la jambe prise dans un piège à loup, et qu’une horde de zombies progresse vers vous… allez-vous prendre le temps d’inspecter ledit piège ? Fuir en abandonnant le malheureux à son triste sort ? Couper sa jambe à la hache ? Et décidez-vous rapidement, car chaque seconde compte : le temps imparti à votre prise de décision sera durement impacté sous l’effet du stress… Il vous faudra ainsi, plus d’une fois, trancher (au sens propre comme au figuré ?) en quelques toutes petites secondes – avec toujours l’épée de Damoclès du mauvais choix pris à la va-vite planant au-dessus de votre tête. Un parti pris plutôt réaliste, puisque l’on peut parfaitement comprendre que la pression et le manque de temps soient à l’origine d’une décision que l’on regrettera plus tard.
Mais un tel gameplay ne serait rien sans une écriture fine, à la progression dramatique savamment orchestrée. La plupart des personnages du jeu sont ainsi criants d’humanité, et ce malgré leur design très « comics » – le doublage aux petits moignons (rapport au nombre de membres tranchés durant l’aventure) doit aussi y être pour quelque chose. On s’intéresse à tous ces gens qui partagent notre quotidien virtuel, un peu à la manière de la série télévisée : on fait partie de la famille, on partage les mêmes joies et les mêmes galères. On s’attache à certains d’entre eux, on en détestera bientôt d’autres… au point d’avoir envie de leur figer une balle dans la tête. Et puis contre toute attente on essaiera de recoller les morceaux, de repartir tous ensemble du bon pied. Face à la menace du vide, incarnée par un monde post-apocalyptique dévoreur de vies, on se surprend en effet à envisager des amitiés improbables… à pardonner l’impossible.
Vous l’aurez compris : j’ai adoré parcourir l’aventure sanglante, prenante et touchante de THE WALKING DEAD, davantage pour ses dialogues bien ficelés et ses prises de décision absolument impossibles (des choix que l’on aimerait n’avoir jamais à faire) que pour son côté « aventure », finalement bien peu poussé. La partie point & click est ainsi réduite à sa plus simple expression – pourrait-il s’agir, d’ailleurs, du point & click le plus facile de l’histoire ? Ne vous attendez pas non plus à partir en exploration dans des villes labyrinthiques ou dans des forêts obscures et tortueuses. S’il n’y a pas de pathfinder dans THE WALKING DEAD, c’est tout simplement parce que celui-ci n’est pas nécessaire, tant la ligne droite à suivre est clairement suggérée. Honnêtement, c’est un peu dommage, et avec une touche d’aventure plus ambitieuse, THE WALKING DEAD aurait certainement pu se rapprocher du statut de chef d’œuvre – s’il est très bon, pour moi il n’a rien d’un jeu de l’année. Autre détail peu convaincant : des situations aux tristes relents d’artificialité, sombres reliques des vieux point & click déchus. Pour un jeu qui se veut aussi réaliste dans son atmosphère et ses personnages, voir l’un d’entre eux faire le piquet de grève droit comme un i, parce qu’il ne trouve pas une pile (qui est pourtant sur une étagère à deux mètres de là) et qu’il attend qu’on la trouve pour lui, ça fait un peu tache.
Tout cela n’est finalement pas bien grave, pour peu que vous plongiez corps et âme dans l’histoire. Non, le principal défaut du jeu est sans doute ailleurs. Si vous n’avez jamais joué à THE WALKING DEAD, ne lisez peut-être pas ce qui suit, tant la révélation à venir pourrait mettre à mal votre envie d’en découdre avec le jeu de Telltale Games. Vous êtes toujours là ? Soit. Et bien les choix que vous prenez tout au long de l’aventure sont en fait une illusion – une douce illusion, car on y croit. Mais une illusion quand même. Tout est en réalité déjà écrit. Les personnages qui doivent passer l’arme à gauche n’iront jamais à droite. Et ceux qui sont programmés pour survivre ne pourront pas mourir. Impossible, donc, d’altérer la fin du jeu – très belle, certes, mais imposée. Un comble pour un jeu qui base tout son gameplay sur des prises de décision critiques. Si un tel principe est évidemment regrettable, et si je comprends que certains joueurs n’aient pas du tout apprécié le stratagème, pour ma part cet écueil n’a aucunement été rédhibitoire. Dans un jeu, et comme au cinéma, ce qui compte c’est l’illusion n’est-ce pas ? Certes le potentiel de rejouabilité est ici sérieusement entamé, si vous aimez refaire le même jeu plusieurs fois de suite, j’entends. Mais THE WALKING DEAD ne correspond pas à ce genre de soft : je m’imagine davantage m’y replonger dans quelques années, à la manière d’un bon bouquin, ou d’un film que j’aurais particulièrement apprécié et dont j’aimerais à nouveau partager l’aventure – de toute manière, et comme je l’ai déjà dit avant et ailleurs, limiter la replay value à la seule rejouabilité immédiate est une hérésie, que dis-je presque un complot ourdi depuis des années par certains professionnels qui essaient ainsi de nous vendre du vent en nous poussant à l’achat compulsif – un jeu terminé à 100% n’étant plus digne d’être parcouru, selon eux. Enfin bref. Pour conclure ce passage au sujet des illusions de choix souvent critiquées par les joueurs déçus, j’ajouterai que le plus important, dans THE WALKING DEAD, est l’empathie que l’on a pour les personnages, et non pas l’apathie des embranchements scénaristiques. Suivant les choix que vous aurez pris, certains personnages s’attacheront ainsi à vous, ou au contraire vous détesteront. Cela peut paraitre bête, mais si un individu vous lance un regard noir, ou bien vous tape amicalement sur l’épaule juste avant de mourir tragiquement, pour moi cela fait une vraie différence – et c’est d’ailleurs peut-être bien plus touchant qu’une quelconque fin alternative.
THE WALKING DEAD est donc un jeu particulièrement recommandable : une aventure qui va vous électrifier, pour peu que vous y soyez réceptif. Mais avec les deux doigts dans la prise de décision, le courant devrait bien passer.
Note :
Porté par une histoire, des dialogues et des personnages très réussis, THE WALKING DEAD propose une aventure passionnante : les multiples choix à faire durant la partie vous immergeront complètement dans l’intrigue, et la panique vous secouera les tripes lorsqu’il vous faudra résoudre un dilemme impossible en l’espace de quelques secondes (un système déjà vu dans BIOHAZARD 3, par exemple). Maintenant, il faut aussi reconnaitre que l’œuvre de Telltale Games connait quelques ratés : embranchements scénaristiques plus ou moins illusoires, un côté aventure très assisté jusque dans ces énigmes dignes d’un jeu pour les tout petits et enfin… un portage à la truelle pour la version boîte sur PS3 (mais j’ai cru comprendre que c’était pareil sur Xbox 360) : les chutes de framerate sont parfois atroces.
Images : jeuxvideo.com