JU-ON: THE GRUDGE
Titre alternatif : Kyoufu Taikan: Juon
Année : 2009
Studio : FeelPlus
Éditeur : AQ Interactive
Genre : Jou-ons à THE GRUDGE
Joué et testé sur Wii
Support : disque optique
À Tokyo, on raconte qu’une maison maudite frapperait de son sceau mortel celles et ceux qui oseraient s’y aventurer : un homme y aurait brutalement assassiné sa femme, Kayako, puis son propre fils, Toshio. La malédiction tristement orchestrée par Kayako et Toshio aurait d’ailleurs récemment pris de l’ampleur, pour s’étendre dans toute la région de Tokyo. Depuis, la maison aurait été proposée à la location…
Épisode 1 : l’usine désaffectée. Comme chaque soir, Erika sort de sa maison dans un petit quartier de Tokyo pour promener son chien Ivy après le dîner. Mais le chien, qui semble réagir à quelque chose (ou quelqu’un ?) s’enfuit pour pénétrer dans une usine abandonnée. Munie d’une lampe électrique, Erika pénètre à son tour dans le sombre bâtiment…
Épisode 2 : l’hôpital. Miki, malade et morte de fatigue, perd connaissance pour se réveiller… dans un hôpital, en pleine nuit. Première étrangeté : les lieux semblent plongés dans l’obscurité. Deuxième souci : Miki a l’impression d’être la seule personne présente à l’étage ! Troisième évènement dérangeant : un téléphone sonne… Une sonnerie à glacer… le sang.
Épisode 3 : les appartements abandonnés. Alors qu’il vient de terminer sa tournée, Ken, un livreur, trouve un colis qu’il n’avait pas remarqué jusque-là, caché au fond de sa camionnette. Bien que l’adresse visée ne corresponde pas à son chemin habituel, il décide malgré tout de livrer la marchandise. Il arrive alors dans un grand et obscur complexe de barres d’immeubles.
Épisode 4 : les bureaux. Hiro est gardien de nuit. Il travaille dans un immeuble abritant de nombreux bureaux. Un étrange individu aperçu sur une caméra de sécurité, une panne de courant… rien de vraiment engageant pour finir la soirée. Une lampe de poche à la main, Hiro se décide quand même à vérifier l’état des disjoncteurs.
Épisode 5 (caché) : la maison maudite. Grâce au courage de son chien, Erika vient de survivre à l’horreur. Vivante, oui elle est bien ressortie vivante de sa terrible expérience dans une usine abandonnée. Hélas pour elle, sa famille ne répond pas à ses appels téléphoniques. Visiblement quelque chose ne tourne pas rond, à la maison. Erika décide de rentrer immédiatement.
JU-ON: THE GRUDGE est l’adaptation en jeu vidéo de la franchise ciné imaginée par Shimizu Takashi, afin de fêter le dixième anniversaire de celle-ci. Shimizu Takashi, superstar dans son domaine et bien connu des amateurs de J-horror, nous a même fait l’honneur de superviser tout cela. Le jeu, parlons-en : il porte bien son titre. THE GRUDGE, aka la malédiction. Malédiction qui a dû frapper ce projet prometteur en plein cœur tant le résultat est bancal – le jeu n’a d’ailleurs trompé personne à sa sortie puisque la presse spécialisée du monde entier l’a enterré vivant (pas dans un puits : ça c’est dans RINGU). Étrange destin funeste, que celui de JU-ON: THE GRUDGE. Jeu honni, moqué et parfois, comble de la disgrâce, même pas testé par certains sites professionnels. Il aurait pu tomber dans les méandres de l’oubli… mais pas au Japon, où il est à présent extrêmement recherché. Pas pour ses méfaits ! Mais parce qu’un jeu de ce genre, qui plus est supervisé par une légende vivante de la J-horror, ça titille la curiosité des fans restés sur leur faim en matière d’horreur vidéoludique ces dernières années. Le jeu en question est ainsi, à présent, plutôt recherché au Japon. Il en va tout autrement en Occident où JU-ON: THE GRUDGE doit côtoyer toute la collection BARBIE Wii dans les bacs des Cash Converters – à sa décharge (c’est le cas de le dire !), avouons que quand on s’attend à un jeu horrifique, la jaquette européenne est un véritable tue-l’amour vidéoludique.
Mais alors, très objectivement, JU-ON, ça vaut quoi ? Honnêtement : pas grand-chose. Il faut sans doute être fan absolu des films, de J-horror en général ou être en gros manque de survival horror pour apprécier ce jeu. Remarquez ça tombe bien, je corresponds pile poil aux critères précités ! Néanmoins, être un grand amateur de films d’horreur japonais ne doit pas pour autant nous aveugler : JU-ON n’est pas un vrai bon jeu. C’est l’évidence même. Mais il s’en dégage malgré tout un je-ne-sais-quoi d’attachant. Un jeu que l’on déteste parce qu’on aurait voulu l’aimer. Un jeu que l’on aime parce que le détester, c’est trop facile. Oui JU-ON aurait sans doute pu être rebaptisé d’après une célèbre chanson : « Je te SM moi non plus ». Oh oui Toshio, fais-moi peur. Kayako, fais-moi mal !
Faire peur, quelque part c’est logique. Et très honnêtement, si vous jouez à JU-ON dans de bonnes conditions (noir total, écouteurs sur les oreilles, votre femme enfermée dans sa chambre pour regarder DESPERATE HOUSEWIVES), le jeu devrait vous impressionner. Atmosphère extrêmement pesante, ambiance sonore absolument géniale (effets prétendument enregistrés dans les lieux visités par le jeu) et des jumpscares parfois attendus, certes, mais aussi souvent bien placés.
Faire mal, par contre, ça c’est plus surprenant. Oui JU-ON fait mal. À l’amour propre. On se demande encore comment un jeu qui maltraite à ce point la Wiimote a pu obtenir le Nintendo Seal of Quality (en fait j’ai un doute : existe-t-il toujours ?). La lampe torche que l’on contrôle (via la Wiimote) est en effet très peu précise et trop souvent capricieuse : ne vous étonnez donc pas de cibler le plafond alors que vous vouliez fouiller dans une poubelle située à vos pieds ! Quel scandale. Le jeu semble en effet très mal calibré – il faut tenir la Wiimote exactement à l’horizontal pour espérer s’en sortir… mais ça ne fonctionne pas toujours. Si la Wiimote devient folle, je n’ai trouvé qu’une seule solution : entrer dans le menu du jeu et en ressortir immédiatement. Les choses rentrent alors souvent dans l’ordre. Dans les ordres c’est une autre histoire, car avec JU-ON on a généralement affaire à des spectres pas très catholiques…
Que les fans de Shimizu Takashi soient donc rassurés : dans le jeu qu’il a supervisé, il nous invite à visiter des lieux bien connus des amateurs d’horreur sauce nippone (il manque malgré tout l’école hantée, dommage). Le premier chapitre est ainsi dédié à une usine désaffectée, tandis que le suivant vous propose d’arpenter les couloirs désolés d’un hôpital effrayant – un grand classique de la J-horror (KANSEN, AKURYÔ BYÔTÔ). La suite est du même acabit, avec des barres d’immeubles paraissant rongées par le malin (KUROYURI DANCHI, DARK WATER) puis, enfin, des bureaux désertés la nuit et uniquement habités par un vigile (souvent vu au ciné ou à la télé, par exemple dans les DAMNED FILES). Le vigile, en l’occurrence, c’est vous. Le principe est d’ailleurs très simple : à chaque histoire, vous incarnez un personnage différent. Et à la fin, il meurt, emporté par le fantôme de Kayako. Pas très engageant ? Certes non, mais diablement entrainant quand on aime la série de films JU-ON. On avance ainsi la lampe électrique à la main, la Wiimote pointée sur notre écran de télévision (enfin quand la Wiimote répond) et notre nunchuk rangé dans sa boîte. JU-ON se joue en effet à la seule Wiimote. On appuie sur le bouton Z pour marcher à tâtons, et sur le B pour interagir avec un objet. Alors attention : j’ai bien dit que le bouton Z servait à marcher à tâtons. Pas à courir, ni même à trottiner. Dans JU-ON il est en effet impossible d’accélérer – et votre personnage se traine… se traine… Je peux comprendre qu’il s’agit de la mise en situation voulue et calculée d’une personne effrayée par son environnement (et je réagirais sans doute de la même manière), mais ne pas pouvoir marcher plus vite quand la pile de notre lampe électrique se meurt et qu’il nous faut encore parcourir vingt mètres à la vitesse d’un escargot pour récupérer une pile neuve, c’est frustrant.
Alors oui, vous mourez quand la pile de votre lampe est vide (Kayako vous lance une attaque fatale dans l’obscurité), aussi il ne vous faut pas trop trainer en cours de route. Un moyen comme un autre pour ajouter une dose de stress à l’aventure. À la rigueur, pourquoi pas ? Dans JU-ON, il est également possible de rendre l’âme en cas de… QTE foiré. Oui, je sais : c’est particulièrement humiliant. Les QTE en question sont simplissimes (une direction à faire au bon moment – parfois à répéter activement) mais il m’est pourtant arrivé de claquer relativement souvent – la faute à quelques pièges vicieux de la part des développeurs. Je ne dis rien. Je vous laisse le plaisir de la surprise – empoisonnée, la surprise.
Le jeu se déroule alors ainsi : vous déambulez la nuit dans des endroits lugubres, simplement éclairé par votre lampe électrique ou les quelques lumières placées çà et là. En progressant, vous tomberez parfois nez à nez avec des phénomènes étranges et des spectres – en tête de liste Toshio et sa maman Kayako, avec laquelle vous croiserez souvent le fer (enfin le plastoc de la Wiimote) à grands coups de QTE à exécuter en pleine panique. Les différents niveaux sont bien évidemment fermés (et scriptés) mais ils vous laissent aussi, parfois, un semblant de décision à prendre concernant le chemin à suivre (le chapitre de l’hôpital). Amère déception : la progression est simpliste, et ne vous demandera généralement rien de plus que de trouver la clé pour ouvrir la porte suivante, voire un fusible pour remettre l’ascenseur en marche. Pas bien palpitant mais, heureusement, quelques secrets sont aussi disséminés un peu partout dans le jeu. Ceux-ci ne sont pas toujours très évidents à dénicher et constituent un véritable fil rouge dans la quête principale puisqu’il vous faudra les réunir tous afin de débloquer le cinquième et dernier niveau : la mythique maison hantée et sa démoniaque cage d’escalier, immortalisées depuis qu’elles ont croisé votre regard hagard dans tous les films de la série. Ce cinquième niveau d’ailleurs, ce n’est pas du luxe tant l’aventure traumatisante (pour des raisons différentes suivant les joueurs) s’avèrera relativement courte si vous décidez de la rusher sans jouer sérieusement (c’est à dire en avançant à tâtons, dans le noir, à la recherche des secrets, etc.). Quelques petits détails croustillants sont heureusement cachés à divers endroits (un urinoir qui crache du sang si vous l’utilisez, un script terrifiant qui se lance dans un lit d’hôpital uniquement si vous exécutez un acte bien précis) mais dans l’ensemble, le contenu n’est pas très riche. Disons même qu’il est particulièrement chiche.
JU-ON est par conséquent un jeu extrêmement décevant – surtout qu’il était très prometteur à la base. Pas très joli, souffrant de lacunes techniques criantes (d’effroi ?!) et d’un level design relativement paresseux, JU-ON n’en demeure pas moins une expérience très sympathique si vous faites partie, comme moi, des fans hardcore de la franchise ciné (sur le déclin depuis un moment, c’est vrai). Enfin, le jeu impressionne quand même à certains moments, pour peu que vous y jouiez en vous investissant un minimum dedans – et n’écoutez pas certains testeurs qui critiquent le jeu sur ses jumpscares vus et revus : le coup du spectre qui vous saisit la main lorsque vous ouvrez une porte, ça n’arrive quasiment qu’au début du jeu. Maintenant je ne leur jette pas la pierre : ils n’ont sans doute pas pu (voulu ?) aller plus loin que le premier niveau. Car JU-ON est effectivement un jeu effrayant – et parfois pour de mauvaises raisons…
Note :
Difficile de noter un tel jeu… aussi autant être honnête jusqu’au bout, à propos de JU-ON : je lui ai attribué des bâtons de joie au pif. Gadget, JU-ON ? Mal réalisé, JU-ON ? Indispensable aux amateurs de la franchise ciné, JU-ON ? Oui, le jeu prétendument supervisé par Shimizu Takashi est un peu tout cela à la fois. Il joue à fond la carte du fan-service, aussi les aficionados du réalisateur précité seront-ils aux anges. Mais il est également miné par des écueils techniques qui se révéleront à coup sûr rédhibitoires pour le commun des mortels.
Bonus : mes reviews de tous les films de la saga, sur échec et (ciné)mat.
Images : jeuxvideo.com