Clock Tower (Super Famicom, 1995)

CLOCK TOWER
Année : 1995
Studio : Human Entertainment
Éditeur : Human Entertainment
Genre : point and kill
Joué et testé sur Super Famicom
Support : cartouche


Quatre jeunes filles, Jennifer, Lotte, Ann et Laura quittent enfin leur orphelinat. Elles ont en effet été adoptées par un mystérieux monsieur Barrows, qui vit reclus dans un immense manoir surmonté d’un clocher – d’étranges rumeurs circulent d’ailleurs à son sujet…

Les quatre amies sont accueillies par la maîtresse de maison, Mary… Tout se passe pour le mieux lorsque, tout à coup en début de soirée, l’improbable se produit : une panne d’électricité, et tout le monde disparait… Tout le monde à part Jennifer, désormais coincée à l’intérieur d’un manoir aux secrets… dévoreurs.

Parmi les jeux ayant apporté leur pierre taillée pour tuer à l’édifice sanglant du genre survival horror, difficile de ne pas citer CLOCK TOWER. Sorti exclusivement au Japon en septembre 1995 sur Super Famicom, le jeu édité par Human (qui s’était déjà fait la main sur SEPTENTRION) débarque avec quelques années de retard sur ALONE IN THE DARK, certes, mais il côtoie PHANTASMAGORIA et surtout, il précède le mètre étalon moderne du genre, à savoir BIOHAZARD, de près de 6 mois !

Contrairement aux apparences et aux couleurs arc-en-ciel des productions Nintendo habituelles, la Super Famicom a aussi hébergé des jeux sombres et adultes, au sein de ses entrailles rouillées et de sa coque désormais sunfadée – à défaut d’être tachée de sang. OTOGIRISO, KAMAITACHI NO YORU, CLOCK TOWER… Oui, on peut remercier les éditeurs tiers. Et en particulier Human Entertainment pour leur CLOCK TOWER, un jeu sans concession, noir et violent, qui s’inspire ouvertement du film PHENOMENA de Dario Argento – à dire vrai, il s’agit presque d’un portage officieux et éhonté ! Pour rester poli, on utilisera donc le mot « hommage ». Jugez plutôt : le personnage principal ressemble comme deux gouttes d’eau à l’héroïne du film (incarnée par Jennifer Connelly) et il porte d’ailleurs le même prénom. Le tueur utilise des ciseaux, il y a également une grosse référence aux insectes et la musique, si elle n’a pas été composée par une quelconque monstruosité, pourrait bien dissimuler un semblant de Goblin derrière son clavier. Les références vont même encore plus loin, en se situant parfois à la croisée des chemins de croix, entre PROFONDO ROSSO et SUSPIRIA.

Mais alors sur le fond, CLOCK TOWER, c’est quoi ? En gros et même si le terme n’existait pas en 1995, il s’agit d’un jeu d’aventure typé survival horror au format point & click. Le joueur incarne en effet une jeune fille, orpheline (dam-née sous X ?) et fragile, qui devra donc redoubler d’ingéniosité à la fois pour se sortir des griffes d’un tueur armé de grands ciseaux, mais aussi pour résoudre les épineux mystères du manoir qui la détient désormais prisonnière. La grande originalité du titre, outre ses scènes macabres et sa non linéarité, tient justement dans les apparitions récurrentes du tueur. Ce dernier entre en effet en action à certains moments, et si Jennifer est incapable de se battre, elle peut néanmoins se défendre (bouton B, ou panic button) si elle dispose de suffisamment d’énergie (voir la couleur entourant son visage, en bas à gauche de l’écran). Cela ne suffira pas pour se défaire bien longtemps de Scissorman, et le joueur devra par conséquent utiliser l’environnement à bon escient – se cacher, recourir à un objet précis, etc. Lorsque le tueur abandonne, la musique stressante disparait et le joueur peut à nouveau souffler. D’ailleurs ne soyez pas égoïste : profitez-en également pour laisser votre personnage se reposer. Oui, la belle Jennifer récupère en temps réel ! Elle s’assied élégamment à même le sol, tête baissée, et prend le temps de respirer. De stabiliser son rythme cardiaque… Avant de repartir à l’assaut des mystères dévoreurs cachés dans l’oppressant manoir, quelque part dans ces satanés couloirs. Avant d’échapper une nouvelle fois de justesse aux terribles dents du recoin. Il s’agit d’ailleurs de quelque chose que CLOCK TOWER réussit parfaitement : ces moments de calme avant la tempête, de discrète angoisse balayés de soudains pics de stress.

Pour vous déplacer, vous utilisez donc un curseur comme dans la plus grande tradition des point & click. Bouton Y pour cliquer, sélectionner/actionner quelque chose ou courir si vous appuyez deux fois rapidement. Bouton B pour réagir rapidement en cas de panique. Bouton X pour immobiliser Jennifer. Et bouton A pour ouvrir l’inventaire. À ce sujet, il est intéressant de noter que les items sont plutôt rares, dans CLOCK TOWER. Le point & click de Human se situe en effet aux antipodes des classiques du genre et tourne donc le dos à la chasse aux objets de la largeur d’un pixel, pour tout miser (ou presque) sur son ambiance, le défrichement progressif du scénario, la fuite face à un monstre récurrent, l’exploration de la bâtisse et l’interaction avec les décors. En cela, CLOCK TOWER est d’une originalité folle. Un pari risqué, mais payant, puisque les différents mécanismes du jeu fonctionnent remarquablement bien, leur impact étant décuplé par une atmosphère lourde au possible. Certes, les mauvaises langues diront que CLOCK TOWER ne fait pas peur – il est juste un peu angoissant. De plus, après une phase d’adaptation nécessaire, on finit par ne plus trop craindre Scissorman et à connaître les routines du jeu par cœur. Enfin le manoir, imposant au début, se révèle finalement moins étendu qu’escompté. S’agit-il vraiment de défauts ? À mon sens, pas vraiment. Il faut tout de même garder à l’esprit que nous sommes sur une console Super Famicom, et pas sur une PlayStation ou une Sega Saturn. Compte tenu des limitations techniques d’une machine 16 bits pour un tel jeu, le joueur peut s’estimer heureux : CLOCK TOWER est tout simplement incroyable ! Mieux : la taille du manoir, le faible nombre d’objets à utiliser, ces parties pas très longues, les sauvegardes automatiques un peu partout qui dissipent tout risque de game over fatal… Tout cela a été créé à dessein : placer le joueur face à ses choix, et mettre en pratique le phénomène désormais bien connu de l’effet papillon – crucifié, pour l’occasion. Un évènement ignoré, ou au contraire découvert trop tôt, aura ainsi des conséquences plus tard dans votre partie. Les différences relèveront parfois du détail, et il ne sera pas toujours évident de savoir quoi faire pour modifier tel évènement, ou sauver telle personne. Ce flou ambiant pourrait hélas se révéler décourageant pour la majorité des joueurs, qui pourraient donc fort bien abandonner leur partie après avoir (rapidement) débloqué une première fin – généralement la moins bonne. Les autres, apôtres du 100% ou grands malades atteints de collectionnite aigüe, partiront à la chasse aux détails, remarqueront que des objets ou des lieux sont légèrement différents d’une partie à l’autre et se délecteront de toutes les petites variantes graphiques, sonores ou scénaristiques, disséminées çà et là. Débloquer les neufs fins possibles, diaboliquement écartelées entre vie et trépas, est un exploit qui se mérite – ou pas, personnellement j’ai eu besoin d’un guide pour obtenir la meilleure, ou ending S.

Toutes ces mécaniques un brin atypiques, et ces peurs ataviques que le jeu réveille en nous, n’ont pas toujours bien vieilli, certes – les premières parties restent les meilleures, ensuite une certaine routine s’installe. Mais contrairement aux suites en 3D qui suivront, le premier CLOCK TOWER avec son habillage 16 bits et le charme suranné de sa 2D, sait aussi jouer de sa nostalgie pour entretenir l’intérêt des joueurs trentenaires ou quarantenaires ayant grandi avec Sega et Nintendo… et bien évidemment avec de nombreux giallo !

Note :   Nostalgie :

Hommage appuyé à Dario Argento, à Goblin et à la beauté fragile de Jennifer Connelly, CLOCK TOWER peut être considéré, aujourd’hui encore, comme un vrai survival horror, quand bien même le terme n’existait pas à l’époque de sa sortie. Un brin rigide dans ses mécaniques, ce point & click horrifique propose néanmoins une progression non linéaire et des parties qui ne se ressemblent pas toujours – au jeu des sept erreurs, le joueur aura fort à faire ! S’il a malgré tout un peu vieilli, le premier CLOCK TOWER (qui fut porté sur PlayStation avec quelques bonus) demeure sans nul doute le meilleur épisode de la série tant sa 2D, indémodable, fait souffler un vent de nostalgie salvateur. Nostalgie pour les jeux et les graphismes 16 bits, certes, mais aussi pour les films d’horreur italiens de l’époque qui redoublaient souvent d’ingéniosité pour trucider leurs personnages – à la manière du sadique CLOCK TOWER.

Images : divers sites

Influences : parallèle entre CLOCK TOWER et les films d’Argento, sur ce site.

Une vidéo :

 

5 réflexions au sujet de “Clock Tower (Super Famicom, 1995)”

  1. Même après 4 ou 5 fins débloquées, j’arrivais à découvrir de nouvelles subtilités, des petits trucs que je n’avais pas remarqués ou dont le script ne s’était pas déclenché jusque-là. Sympa. Par contre, bon, les premières parties sont quand même les meilleures.

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  2. Tiens c’est marrant justement je voulais me le refaire également, l’ayant pris sur le PS store Japonais, ainsi que sa suite (autant ne pas faire les choses à moitié), étant donné que je n’y ai pas touché depuis une bonne dizaine d’années.
    Tout ce que tu en dis me motive encore plus à franchement me lancer dedans, surtout qu’il reste malgré tout court dans mes souvenirs. Mais comme tu dis, le charme de la 2D et tout fonctionne, puisque les suites fonctionnaient moins à mes yeux (ah ces gros polygones 3D pour les personnages haha).

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  3. Clock Tower est une saga que j’aime beaucoup. J’ai joué au 1er opus sur Super Nintendo il y a très longtemps et je m’étais bien amusée. Cependant, j’avoue que j’avais vraiment peur du fameux Scissorman. LOL.

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  4. bonjour et merci pour ce test!
    avez vous eu l’occasion d’essayer la version wonderswan? j’ai lu quelque part qu’il s’agissait d’une adaptation fidèle et assez reussie.

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    • Bonjour, merci pour le petit message ! Non je n’ai jamais joué à la version Wonderswan. J’aimerais bien essayer ceci dit ! J’ai aussi la version PS1 sous le coude, mais je ne m’y suis jamais mis sérieusement.

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