BATSUGUN
Année : 1996
Studio : Gazelle
Éditeur : Banpresto
Genre : 59630
Joué et testé sur Sega Saturn
Support : CD-ROM
Epsilon Plan. Ce code secret cache en réalité une attaque d’une envergure sans précédent. Menée par le roi Gladebaran VII, l’invasion a commencé et tous les pays et leurs habitants ont cédé. Tous… sauf l’escadron des Skull Hornets, constitué de vaisseaux à la pointe de la technologie, pilotés par des héros aux caractères bien différents…
BATSUGUN pourrait être considéré comme le dernier opéra furieux de Toaplan, le chant du cygne qui saigne… les joueurs et déchaîne les passions. BATSUGUN est tout d’abord important pour une raison historique : il est ainsi souvent considéré comme le père (fouettard) des manic shooters. Certains considèrent au contraire qu’il s’agit de V-V (de Toaplan, encore), et moi j’aime bien venir mettre mon grain de sel acide en venant citer ZAS, ce shoot Game Boy de 1992 petit par la taille, grand par la qualité, et qui submergeait le joueur masochiste de boulettes dansantes lors du duel avec le double boss final.
Des pas chassés à droite, à gauche, des vaisseaux à envoyer valser, d’autres à pourchasser, oui BATSUGUN a parfois des faux airs de ballet bullet classique… À mesure que le joueur prend le tempo des tirs adverses et des déferlantes d’ennemis en tous genres, il se surprend à tourner, rayonner… oui, à danser autour des centaines de fléaux environnants ! Jouer à BATSUGUN, une fois maîtrisé, reviendrait presque à se lancer dans une valse avec une partenaire en feu, qu’il conviendrait donc de continuellement frôler afin d’éviter tout contact incandescent. Une impression de tango assassin encore renforcée par certaines boulettes ennemies qui vous suivent, tournent autour de vous… presque langoureusement, comme mystérieusement chorégraphiées par une main invisible, à la manière des vaisseaux de 2001: A SPACE ODYSSEY tournoyant avec grâce sur la musique de Johann Strauss. Lorsque les pas de deux sont parfaitement exécutés, il se dégage de BATSUGUN un sentiment de toute puissance à la fois grisant, et d’une élégance folle. C’est encore plus vrai dans le mode Special Version, qui pose quelque peu les bases de la bise cruelle et amoureuse du manic shooter, avec une hitbox minuscule, de la taille de votre petit cockpit, en fait. On s’y surprend à virevolter parmi les boulettes avec une aisance déconcertante.
Ce mode de jeu rend BATSUGUN très abordable, surtout que les smart bombs y sont plus puissantes que dans le mode Normal (leur zone de déflagration y a été élargie). Mais… car il y a un mais : le mode Special Version est en réalité une accumulation machiavélique de loops infernaux ! Comptez-en cinq au total, avec à chaque fois le premier niveau précédent en moins… mais des suicide bullets plus nombreuses à digérer en plus ! Vos virevoltes de l’impossible n’y seront pas de trop… et pensez bien à anéantir le maximum d’ennemis à bout portant (oui, vous avez bien lu) car ainsi défaits ces derniers ne lâcheront aucun nuage de suicide bullets. Bien plus abordable à première vue, le mode Special Version recèle donc en ses tripes un challenge de longue haleine, qui frise même l’indécence dans ses loops les plus relevés. Au contraire le mode Normal, s’il est très dur à partir du niveau 4 (ennemis plus résistants, qui arrivent parfois par derrière, boss infernaux), n’en demeure pas moins (presque) faisable par le (presque) commun des mortels – après une bonne dose d’entrainement et une savante gestion des smart bombs.
Sur le fond, BATSUGUN est donc le glorieux ancêtre des danmaku. Mais ne vous attendez pas à des rideaux de bullets comme on en voit fleurir de nos jours. BATSUGUN, en 1996, semble à peine bourgeonner et y va donc encore avec parcimonie. Les allergiques aux danmaku devraient donc pouvoir l’apprécier, même s’ils risquent d’être effrayés par l’armement des trois vaisseaux disponibles qui, une fois amélioré au maximum, finit par recouvrir presque tout l’écran ! L’armement en question est simple au possible : un tir unique qui devient plus puissant à mesure que vous scorez (il y a des paliers à atteindre), et qui s’acoquine parfois d’espèces de homing missiles et de tirs latéraux. Ça pète de partout ! BATSUGUN se tire-t-il une balle dans le pied, avec ce système simplissime ? À mon sens, non : les balles, il les crache plutôt à la figure des joueurs ! La simplicité de la montée en puissance de notre vaisseau a en effet un grand mérite : elle permet de se concentrer exclusivement sur les tirs adverses et les esquives, sans avoir à jongler avec une foultitude d’options. Autre détail à propos duquel certaines dents pourraient bien grincer : le nombre de stages. Cinq petits niveaux, trois petits tours et puis s’en vont ? En fait non, pas trois petits tours, mais cinq loops dans la Special Version, comme je l’ai précisé un peu plus haut. Le mode Normal, au contraire, propose lui effectivement cinq niveaux, avec une fin et un générique pour saluer le joueur émérite. À vue de nez, c’est peu, surtout que lesdits niveaux sont très courts. Mais à vue de cockpit, c’est-à-dire une fois que l’on a mis les mains dans le cambouis et usé quelques pads sur BATSUGUN, je peux vous assurer que c’est largement suffisant ! Si les premiers niveaux sont très abordables, ils se parcourent néanmoins sans ennui : un grand merci aux ennemis très variés, aux boss et mid-boss fort sympathiques et à l’ambiance qui donnent toujours envie de continuer (raaah les petits riffs de guitare à certains moments clés !). Ensuite, les choses (très) sérieuses commencent avec la fin du niveau 3, et surtout les niveaux 4 et 5. Les continus étant limités, vous allez devoir vous y reprendre un nombre incalculable de fois, même en easy, pour espérer apercevoir un jour le bout du tunnel. Oui le jeu est très dur. Pas insurmontable, mais très dur. Le vaisseau n’est pas très rapide, il faut constamment être en mouvement pour anticiper certains tirs ennemis, et vous vous surprendrez rapidement à craindre davantage certains adversaires de base (rapides, les bougres, et aux tirs parfois extrêmement vifs) que les boss et les mid-boss. À moins d’être un pro du genre, vous risquez donc de finir vos parties de BATSUGUN sur les rotules, tant il faut être constamment aux aguets, attentif au moindre détail et semblant de balle traversant l’écran. N’oubliez pas que dans le mode Normal, la hitbox de votre vaisseau comprend tous ses pixels (jusqu’aux ailes !). Préparez-vous à souffrir !
BATSUGUN, c’est un peu ce glorieux ancêtre que l’on ne peut se résoudre à oublier, en particulier si on est un nostalgique de la gâchette. Certes, lors de sa sortie sur Saturn en 1996 il accusait déjà un peu son âge (1993 pour la version normale sur arcade). Techniquement, il y a donc des jeux bien plus aboutis sur Saturn ou PlayStation – les sons par exemple, sont un peu étouffés (heureusement les musiques ont été réarrangées). Mais BATSUGUN, c’est aussi celui qui a ouvert la voie aux manic shooters. Oui, le shoot de Toaplan a vraiment innové à son époque : boulettes bien plus nombreuses que dans d’autres jeux du même style, hitbox très permissive en mode Special Version, et possibilité de tapoter le bouton plutôt que de le presser constamment pour modifier légèrement son tir. BATSUGUN a fait plus que simplement apporter sa pierre à l’édifice : elle a mis ce dernier au supplice ! L’édifice en question, à savoir le genre « shoot’em up », a plutôt bien résisté aux coups de boutoir de BATSUGUN. Mieux : il a accouché d’un nouveau sous-genre, à savoir le danmaku. La cible du supplice s’est donc inversée : c’est le joueur aujourd’hui, qui est visé !
Si BATSUGUN est un jeu légendaire, mérite-t-il le détour de nos jours ? À mon sens, oui. BATSUGUN a en effet un charme fou, des ennemis intéressants, des patterns originaux et il propose également deux jeux en un : la première version de la borne d’arcade (cinq niveaux, hitbox normale), et la seconde sortie quelques années plus tard sur arcade également (cinq niveaux et cinq loops, hitbox réduite à sa portion congrue, smart bombs plus puissantes) – le tout pouvant être joué à deux joueurs ! Et je préfère ne pas entrer dans les détails liés au scoring (petits cochons, etc.), car certains guides font cela bien mieux que moi. Bref vous l’aurez compris : avec ses cinq petits niveaux, BATSUGUN est court en apparence. Mais intense. Il propose une expérience envoutante, qu’il est d’ailleurs difficile de lâcher une fois que l’on est pris dans le rythme.
Note : Nostalgie :
Si BATSUGUN est précédé d’une réputation de jeu culte, ce n’est pas pour rien. Ancêtre des danmaku, BATSUGUN est un régal à jouer, même plusieurs décennies après sa sortie. Certes, le jeu de Banpresto sera suivi de titres plus beaux, plus grands, plus originaux. Mais impossible de renier BATSUGUN pour autant… Rythme de fou, précision infernale, BATSUGUN est un véritable ballet sanglant monté sur ressorts, qui peut tout aussi bien se jouer pour en voir la fin, ou pour le score. Une grandissime réussite, indémodable selon moi.
Images : Satakore.com
Vidéo : Special Version (arcade)