STEREDENN: BINARY STARS
Année : 2018
Studio : Pixelnest Studio
Éditeur : Strictly Limited Games / Plug In Digital
Genre : drogue-like
Joué et testé sur PlayStation 4
Support : Blu-ray
Le vaisseau-mère de votre flotte vient d’être anéanti par un laser surpuissant venu d’outre-espace. Plusieurs pilotes, parmi les plus doués de la galaxie, sont envoyés en reconnaissance pour retrouver l’origine de l’attaque… Aux commandes de votre vaisseau, le Tempest, vous partez dans l’espace où, contrairement à un adage cinéphile bien établi, de nombreuses personnes vous entendront crier ! Les pirates de l’espace vous attendent en effet au tournant. Pour leur résister, une seule solution : récupérer différentes armes et améliorations au hasard de vos pérégrinations cosmiques… voire même, peut-être, changer de navette spatiale : le Specialist armé de ses bots, le Fury qui se téléporte, le Fortress ultra blindé voire… un navire plus improbable encore, personnalisation du souvenir flou de l’un des plus grands pilotes de la première guerre mondiale… Oui, oui : celle de 14-18 !
STEREDENN est un shoot’em up français qui nous vient de Bretagne – le titre du jeu signifie ainsi « étoile », en langue bretonne. En plus d’aiguiser mes réflexes et de faire travailler ma mémoire, j’aurais donc appris quelque chose en jouant à un shooter ! Sous ses jolis atours tout en pixel art, STEREDENN fait en réalité un joli pied de nez aux shoot’em up classiques en 2D dont il semblait pourtant directement s’inspirer : il s’agit en effet d’un shoot’em up rogue-like ! Rogue-like, oui, disons même plutôt Rogue-lite, cette espèce de sous-genre du jeu vidéo très à la mode depuis que la scène indépendante a pris les rênes d’une partie du marché vidéoludique actuel. Dur, éprouvant, hardcore, surprenant… Eh bien oui, STEREDENN est tout cela à la fois !
En gros, dans STEREDENN, les niveaux sont gérés de manière procédurale avec une partie aléatoire – qu’il s’agisse des décors, de détails graphiques insignifiants (mais ô combien importants selon moi), des ennemis, des armes à notre disposition (lâchées par des vaisseaux cargos) voire même, parfois, d’évènements naturels encore plus rares mais destructeurs – chutes de multiples météores, explosions de supernovas à gogo… Je vous laisse imaginer la stupeur et le désarroi du joueur quand des catastrophes comme celles-ci surviennent au début du deuxième niveau, alors que vous n’avez pas encore véritablement amélioré votre vaisseau. Heureusement, comme je l’ai déjà précisé, ces choses-là sont plutôt rares et les niveaux, malgré leur part de hasard, sont généralement bien équilibrés et leur difficulté va crescendo crash-endo. C’est là l’illustration parfaite du talent du studio Pixelnest : la rando n’est pas totalement random, surtout qu’à force de mourir vous progresserez et apprendrez à dompter les éléments les plus létaux et inattendus qui soient.
Cette dimension rogue-lite permet néanmoins au jeu de se renouveler régulièrement. De plus, il existe une telle foultitude d’armes (42, à récupérer dans des cargos) et d’upgrades (30, à sélectionner à chaque fin de niveau), que les combinaisons sont innombrables. Sachant que vous pouvez transporter deux armes et autant d’améliorations que vous le souhaitez, je vous laisse imaginer… À mesure que le joueur avancera dans les niveaux – et qu’il mourra bien évidemment, il se forgera sa propre idée de l’arsenal parfait. Privilégier l’attaque ou la défense ? Armes lourdes ou bots destructeurs ? Armes manuelles ou automatiques un brin plus légères ? Il y a tellement de possibilités, d’armes et d’upgrades que je ne peux toutes les lister. Sachez simplement que vous y trouverez inévitablement votre bonheur – encore faudra-t-il que vous tombiez sur vos joujoux préférés durant la partie ! Oui, car je vous le rappelle : tout cela est aléatoire ! Mieux : la dernière version du jeu, intitulée BINARY STARS, incorpore tout un tas de petites nouveautés dont des boss secrets (génial !), des bonus/malus façonnés comme d’impitoyables cas de conscience ou encore et surtout cinq vaisseaux jouables au total ! Chacun d’entre eux possède des qualités bien particulières et, très franchement, je les trouve presque tous excellents. Ces différents vaisseaux qui changent drastiquement l’approche des parties, ajoutés à toutes les armes déblocables et autres améliorations à récupérer, font de STEREDENN un shoot’em up particulièrement riche et généreux. Imaginez un peu : si vous jouez avec le Specialist (qui ne peut pas tirer mais qui peut utiliser de nombreux bots) ou le Fury (rapide, puissant, fragile mais qui peut se téléporter), vos parties changeront du tout au tout ! Comme je ne suis pas là pour écrire une page wikipédia mais pour vous éclairer sur un jeu étoilé, je ne listerai pas toutes les possibilités qu’offre STEREDENN. Je me contenterai donc de vous proposer mes combos préférés : Tempest avec bullet lourde (shotgun ou impaler) + bot. Ou le Specialist, avec deux bots (dont l’irremplaçable demuxbot) pour arroser constamment tout l’écran ! Quant aux améliorations… quelques points de vie supplémentaires, un bouclier rechargeable, un ange gardien et des bonus en attaque, ça suffit largement à mon bonheur en général !
Si on met de côté quelques instants l’aspect rogue-lite de STEREDENN pour s’attarder sur ses racines vidéoludiques, on s’aperçoit qu’il pioche davantage dans le shoot’em up classique en 2D que dans le danmaku. Pourtant sa hitbox minuscule (les pixels verts du cockpit), les suicide bullets (lors du second loop) et autres pluies de balles (notamment contre les boss) le rapprochent aussi ponctuellement des manic shooters. En déséquilibre constant, STEREDENN ne plonge pas dans le chaos vidéoludique ou la bouillie de pixels pour autant : comme pour son côté « random mais pas trop », STEREDENN réussit le difficile mariage entre le classicisme et le manic. Il maîtrise le chaos dans un déséquilibre calculé, et invite le joueur pour quelques pas de danse assassins et très éphémères – on passe son temps à mourir. Puis on progresse. On dompte les armes, les vagues ennemies, les boss interchangeables… pour qu’au final le fatal aléa se transforme en glorieux alléluia. Attention néanmoins : le joueur du dimanche – et celui du lundi aussi, s’y casseront les dents. STEREDENN est un jeu particulièrement élitiste qui demande du courage, du skill, de la résistance et de l’abnégation. Rogue-lite oblige, il vous faudra accepter de recommencer un nombre incalculable de fois votre partie avant d’espérer entrevoir le bout du bout du tunnel du septième niveau. À chaque mort, c’est retour à la case départ avec dans la bouche un arrière-goût d’Enfer sur Terre – enfin dans l’espace, on se comprend : vous recommencerez en effet irrémédiablement nu comme un ver. À deux nuances près – qui changent tout. Tout d’abord si vous parvenez à débloquer un vaisseau, celui-ci sera désormais toujours à votre disposition. Ensuite, et c’est loin d’être anecdotique, lorsque vous battrez un boss il vous sera alors possible de vous entraîner contre lui dans une arène, accessible depuis le menu. Curieusement, j’ai très peu utilisé cette option – un combat in-game dans les règles de l’art sans filet et avec le stress de la mort subite et du pixel qui pète au visage, y’a rien de mieux pour affiner son skill, affirmer son style. Apprendre à faire cracher consciencieusement sa carabine.
Ces fins de niveau abruptes, la violence de certains boss et l’absence du moindre checkpoint ou continu plairont aux joueurs déjà bien entraînés et qui aiment souffrir, mais rebuteront (du verbe « buter deux fois ») les autres. S’agit-il d’un défaut ? Pas vraiment. Juste d’un choix de game design : avec sa lunette de sniper un brin sadique, STEREDENN vise un public bien précis. Par contre, je dois avouer que notre vaisseau bouge un peu trop brusquement, et que ce détail couplé à une hitbox pas évidente à jauger (car différente d’un vaisseau à un autre) cause parfois quelques petits maux de tête – du genre coup de perceuse à vif dans l’hippocampe. En gros : pas évident à dompter, le bestiau. De plus, j’ai du mal à m’expliquer cette absence de petits bonus pour récompenser les plus méritants : artworks, skins, trophées moins génériques ou je-ne-sais-quoi… Certes le classement en ligne constituera le nerf de la guerre pour les plus endurants d’entre nous, mais d’autres petites carottes cosmiques disséminées çà et là, je n’aurais pas dit non. Enfin et il faut le noter, de gros ralentissements surviennent parfois lorsque l’on joue longtemps, en particulier avec les bots – ça shoote de partout, et dans les deux derniers niveaux le jeu tire parfois tellement la langue que celle-ci arracherait presque le parquet. C’est fou ça, attention aux échardes nom d’un pixel mort !
Malgré quelques menus défauts et ce parti pris très élitiste, STEREDENN est un amour/mort de shoot’em up à jouer. Surprenant, varié, stressant, rogue-liké juste comme il faut, STEREDENN est, de plus, doté d’un humour qui vise et qui touche juste, à base de punchlines irrésistibles, notamment lorsqu’il s’agit de présenter les boss. Ça aurait pu être à mourir de rire, si ce n’était pas déjà à mourir de jouer ! Dernier détail important pour les vieux briscards qui se gaussent toujours lorsque les bien-pensants mettent en avant la beauté intérieure et tout le tralala hypocrite qui va avec : le physique, y’a que ça de vrai, ouais ! STEREDENN: BINARY STARS a ainsi été édité en tirage très limité par Strictly Limited Games en 2018. En pur jeu breton qui se respecte, STEREDENN méritait définitivement sa galette !
STEREDENN est un shoot’em up français (« cocorico » comme on dit habituellement dans un jargon très volatile) qui semble tout d’abord verser vers le old-school (scrolling horizontal en 2D) pour très rapidement révéler sa vraie nature : rogue-lite impitoyable à tendance manic face aux boss, paré pour faire pleurer les joueurs les moins endurcis. Pour les autres, plus endurants, ce côté rogue-lite risque de se transformer en drogue-like (toujours lacrymal, certes), tant il est difficile de s’arrêter même après une énième mort intersidérale – des tonnes d’armes et d’améliorations, cinq vaisseaux jouables (depuis la version BINARY STARS), des joutes qui se renouvellent parfois au grès du hasard… Préparez vos mouchoirs !
Images : éditeur / Steam
Trailer :
Là c’est moi qui joue :
Encore moi, toujours avec le Specialist :