Les dossiers de l’écran pixélisé : Juan Giménez, illustrations et interview

Juan Giménez est un dessinateur, illustrateur, scénariste et peintre argentin qui travailla durant une grande partie de sa vie en Espagne. Il nous a quittés en avril 2020… Il est particulièrement connu pour la série de bandes dessinées LA CASTE DES META-BARONS. Il était sans doute mon dessinateur préféré, avec Régis Loisel et Enki Bilal. Sa disparition m’a touché, aussi ai-je souhaité lui rendre un petit hommage… et comme cela rime avec images, je me suis dit que je pourrais profiter de mon blog dédié aux jeux vidéo pour lui consacrer une petite page. On n’en parle effectivement peu souvent, mais Juan Giménez a également apporté sa pierre à l’édifice du jeu vidéo – en particulier espagnol, dont le marché 8 bits était extrêmement vivace dans les années 80 : l’Amstrad y était très populaire, et des équipes de programmeurs doués en ont profité pour y imposer la « patte espagnole », généralement faite de graphismes magnifiques et de gameplay varié. Dinamic Software est sans doute le plus connu en Europe (et le plus doué), mais on pourrait également citer Opera Soft et Iber Soft. Personnellement je ne connaissais pas vraiment ce dernier éditeur, mais j’ai cru comprendre qu’il n’hésitait devant rien pour vendre : regardez cette belle boîte ZX Spectrum vendue avec l’image de Sabrina… Car oui, ils ont bien développé un jeu sur Sabrina ! Moi à l’époque j’aurais acheté ça les yeux fermés… euh ouverts, pour Sabrina !

Mais revenons à Juan Giménez. Dans les années 80, le génial illustrateur qu’il était a travaillé pour les éditeurs espagnols, et de nombreuses boîtes de jeux ont eu la chance, que dis-je, l’immense honneur de bénéficier du talent hors normes de l’Argentin. J’ai donc décidé de compiler ici ces couvertures absolument sublimes (source : CPC-Rulez), mais aussi d’introduire le tout avec une interview du maître, réalisée en 2016 à Sitges durant le festival Amstrad Eterno. L’interview a été réalisée et publiée par videojuegosretro en espagnol. J’en ai traduit quelques passages uniquement, ceux relatifs aux jeux vidéo. Je vous invite donc à visiter le site en question pour découvrir l’interview dans son intégralité (source : videojuegosretro).

Crédit photos : videojuegosretro

À quel moment avez-vous décidé de commencer à créer des couvertures pour les jeux vidéo ?
« Je n’ai pas décidé… J’étais basé à Madrid à cette époque, et j’étais spécialisé dans les thèmes de la Fantasy et de la science-fiction avec mon ami et collègue Alfonso Azpiri. Nous étions naturellement fascinés par les ordinateurs : Atari, Spectrum, Amstrad ou Amiga. Presque immédiatement, les compagnies qui travaillaient dans ce domaine, et qui étaient très jeunes, nous ont contactés. Elles souhaitaient que nous donnions corps et âme à leurs jeux, avec des images plus réelles correspondant à ce que nous faisions pour la bande dessinée – à charge pour les développeurs d’alors de retranscrire habilement le tout malgré le nombre limité de pixels et de bits dont ils disposaient… et donc permettre à ces merveilleuses premières aventures vidéoludiques de voir le jour. »

Avez-vous joué aux jeux dont vous aviez dessiné la couverture ?
« La plupart du temps oui, naturellement. »

Vous souvenez-vous du nombre de jeux sur lesquels vous avez travaillés ?
« Pour vous dire la vérité, je ne les ai jamais comptés… »

Quelle est la couverture dont vous êtes le plus fier ? Quelle est, selon vous, celle qui est la plus réussie ?
« C’est comme des enfants : je les aime toutes autant. Mais si je devais vraiment choisir, je crois que je dirais LIVINGSTONE II, d’Opera Soft. »

Vous avez travaillé pour des sociétés comme Opera Soft, Iber Soft et Comix. Etiez-vous uniquement en charge de la couverture, ou aviez-vous des contacts plus poussés avec certaines de ces compagnies ?
« Je connaissais surtout les équipes d’Opera Soft. »

Quand vous receviez une commande pour un jeu vidéo, quelle était la première chose qui vous passait par la tête ?
« Je commençais à travailler avec une simple description ou un synopsis de l’intrigue. J’essayais alors de visualiser une image aussi marquante et attrayante que possible. C’était très similaire à mon travail pour les couvertures de bandes dessinées ou de magazines. »

Quelle est la première machine de jeux à laquelle vous avez eu accès ? Et celle que vous avez le plus appréciée ?
« Le Spectrum, que je connais depuis son lancement, ou presque. »

Savez-vous que beaucoup de jeux dont vous avez fait la couverture sont restés célèbres jusqu’à aujourd’hui en particulier grâce à vos illustrations ? Qu’est-ce que ça vous inspire ?
« Ma première intention était, comme je l’ai déjà dit, de rendre le tout aussi attrayant que possible, mais aussi d’informer l’acheteur potentiel sur la nature du jeu. Si j’ai réussi, alors c’est une double satisfaction personnelle. J’en suis très heureux. »

Vous avez reçu pratiquement tous les prix possibles dans votre profession et vous êtes reconnu dans le monde entier comme l’un des meilleurs dessinateurs de l’histoire, mais que pensez-vous des illustrations de jeux vidéo réalisées par deux des plus grands dessinateurs espagnols, Alfonso Azpiri et Luis Royo ?
« Je ne dis pas ça parce qu’ils sont mes amis, mais avec leur style unique ils étaient les meilleurs à l’époque… et ils continuent de l’être. »

En plus du dessin, avez-vous d’autres passions, des passe-temps ?
« Faire de la moto, regarder des films, lire (presque exclusivement) de la science-fiction et fabriquer des maquettes d’avions, en particulier ceux de la Seconde Guerre mondiale. »

J’ai entendu que vous jouiez toujours beaucoup aux jeux vidéo aujourd’hui, c’est vrai ?
« C’est vrai, si j’ai suffisamment de temps libre. »

Que pensez-vous de la scène rétro actuelle, espagnole et internationale ?
« C’est formidable de faire connaître aux nouvelles générations de joueurs la préhistoire du jeu vidéo, une période que nous avons vécue avec une telle intensité… C’est comme un « Big Bang technologique » qui serait survenu à la fin des années 80 qui continuerait de résonner aujourd’hui. C’est extraordinaire ! »

Quels sont vos jeux vidéo préférés sortis avant l’an 2000 ?
« Half Life, Counter-Strike, Duke Nukem 3D… »

Pensez-vous que le retrogaming est une mode passagère ?
« Je ne sais pas trop, mais si cet enthousiasme « rétro » continue d’être soutenu par les jeunes générations, ça ne se limitera peut-être pas à un simple effet de mode. »

Pour terminer… Pensez-vous que c’était mieux avant ?
« Sans doute que chaque génération a sa propre réponse, son propre passé… préféré, dans ce présent que nous vivons ensemble. »

Crédit interview : videojuegosretro
Crédit couvertures HD : CPC-Rulez

SPACE MOVES : un homebrew espagnol de 2015 en hommage à la série des MOVES de Dinamic – j’ignore si l’image a été utilisée avec l’accord de Juan Giménez.

Cher Juan Giménez. Merci pour tout, et reposez en paix. On ne vous oubliera jamais.

 

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