Demon’s Souls (PlayStation 3, 2009)

DEMON’S SOULS
Année : 2009
Studio : From Software
Éditeur : Sony / Atlus
Genre : du lore en barre
Joué et testé sur PlayStation 3
Support : Blu-ray


Le royaume de Boletaria est ravagé par The Old One, et ses démons dévoreurs d’âmes. King Allant n’est pas étranger au réveil du semeur de morts, qui s’habille désormais de brouillards impénétrables. Afin de renvoyer The Old One, et son triste servant King Allant, aux tréfonds du cosmos, vous allez mettre un pied là où tant d’autres ont perdu la tête : Boletaria, désormais habité par des monstres féroces, et gardé par cinq archidémons. Pour vous épauler dans cette lourde tâche, vous allez recevoir l’aide de The Maiden in Black. Une démone intrigante qui vous permettra d’augmenter vos compétences, en l’échange des âmes des créatures vaincues. Au sein du Nexus, The Maiden in Black partagera avec vous bien d’autres secrets, comme ces cinq Archstones, vous permettant en un clin d’œil d’aller d’un monde à un autre. Le Nexus… qui vous octroiera également le droit de revenir de la mort, mais sous une silhouette plus fragile, et discrète. Celle d’un Phantom.

Lorsque j’ai vu le trailer du remake de DEMON’S SOULS pour la PlayStation 5, j’ai eu envie de ressortir ma notice (aux allures d’artbook) de DEMON’S SOULS, le premier, l’original. Celui par lequel le mal qui fait tant de bien est arrivé. Je l’ai feuilletée, lue et relue. Sans le savoir il était déjà trop tard : le piège mortel s’était refermé sur moi… et malgré le nombre astronomique de jeux me restant à faire sur cette génération de consoles, je me suis replongé corps et âme dans DEMON’S SOULS sur PlayStation 3, presque 11 ans après son épilogue torturé. Oui, en décembre 2009 j’avais fini par vaincre les derniers mondes particulièrement gloutons de ce jeu incroyable. Une aventure qui m’avait laissé sur les rotules, mais avec un sentiment de satisfaction qui m’avait rarement étreint, jusqu’alors. À dire vrai, DEMON’S SOULS est peut-être avec FURI et un ou deux autres l’un des rares jeux modernes à m’avoir à ce point sorti de ma zone de confort, à grands coups de pied cloutés dans le derrière, certes, mais aussi avec le sourire tendu du guerrier alerte.

Mes retrouvailles avec le jeu de From Software en juin 2020 furent à la fois touchantes, et épiques. Sitôt mes premiers pas effectués dans l’univers torturé de Boletaria, j’ai eu la chair de poule décapitée. Que d’émotions… de surprises éparses… de rencontres improbables… de quêtes accomplies à la seule force de mes poignets, les mains souvent crispées sur la manette comme le seraient mes doigts sur le pommeau d’une épée – des souvenirs inoubliables en tête. DEMON’S SOULS a un charme fou – à lier. Le Nexus et sa triste mélodie assassine, comme une berceuse divine supposée nous rassurer – à la manière des notes de musiques des salles de coffre dans RESIDENT EVIL. Ce level design ingénieux, permettant très rapidement de passer directement d’un monde à l’autre – vous venez de terminer le 1-1 ? Pourquoi ne pas tenter le 2-1 en lieu et place du 1-2 ? Et cette ambiance… folle et oppressante dans Tower of Latria, un univers sombre et traumatisant aux racines fétides, englouties sous les remugles et les tentacules d’un marécage lugubre… Une chaleur fourbe qui semble peser sur nos frêles épaules dans le Stonefang Tunnel… L’horreur malade de la Valley of Defilement, avec ses nuées de mouches, ses cadavres pourris… sa peste galopante et méphitique ! Et puis il y a ce bestiaire fabuleux, depuis ces NPC charismatiques et formidablement bien doublés, à ces monstres et autres boss qui tenteront de vous croquer. Les boss d’ailleurs sont, et il faut le saluer, plutôt abordables : entendez par là qu’il ne s’agit pas de « sacs à HP ». Avec les bonnes armes, la technique adéquate, voire de simples réflexes et la chance du débutant en bandoulière, vous devriez même vous surprendre à en terrasser certains du premier coup – attention ils risquent de se venger dans les excellents modes newgame+.

Ce que j’aime et qui me subjugue aussi dans DEMON’S SOULS, c’est le concept : From Software nous fait jouer à un jeu vidéo. DEMON’S SOULS ne se pare pas des atours propres aux mondes ouverts rivalisant de réalisme et de sérieux pour nous immerger dans une vie fantasmée, mais qui se voudrait réelle – le triste masque de l’artificialité ne manquant pas de tomber lorsque l’on s’adresse aux premiers NPC distillant leurs quêtes fedex le plus souvent sans queue ni tête. DEMON’S SOULS ne se camoufle donc pas derrière les oripeaux aguichants mais finalement assez vides de sens des jeux modernes en monde ouvert : DEMON’S SOULS est un jeu vidéo, avec ses patterns, son farming, ses ennemis qui réapparaissent au même endroit après chacune de nos morts, son IA fragile… ses failles ? DEMON’S SOULS assume son statut, et invite les joueurs à se jouer de lui. Vous découvrez un moyen pour vaincre un boss avant même d’engager le combat ? Eh bien bravo à vous, vile renard ! Ne comptez pas sur From Software pour patcher la chose : économisez-vous des ecchymoses ! Le choix vous appartient : lutter vaillamment, avec honneur… ou vous complaire à user et abuser de techniques sournoises, le sourire trompeur.

Avec DEMON’S SOULS, le joueur a donc toutes les cartes en main. Son destin au creux des poings. Il s’agit d’ailleurs là d’un point souvent omis par ses détracteurs, qui jugent le jeu de From Software outrageusement difficile. DEMON’S SOULS n’est pas difficile : il est exigeant. Un joueur prudent avancera certainement assez lentement, le bouclier levé et sans prendre de risque dans le moindre chemin de traverse ou autre dangereux raccourci. Le joueur téméraire, lui, tentera plus de choses, variera les approches… il mourra sans doute un peu plus souvent, mais vivra aussi plus intensément : DEMON’S SOULS est un jeu incroyablement valorisant, profond et riche, qui fourmille de détails. On progresse, on s’arme de patience, on teste différentes techniques, on se fait forger de nouvelles armes… pour finalement s’apercevoir qu’en jouant sérieusement, on meurt relativement rarement – pour moi peut-être environ une fois toutes les deux heures, en moyenne ? Libre à vous de jouer un guerrier, un lanceur de sorts… un assassin discret et patient ou une tête brûlée – au sens propre rapport au dragon cracheur de feu ?!? Vous aborderez alors DEMON’S SOULS de manière vraiment différente. J’ai fini ma première aventure en 2009 avec un combattant au corps-à-corps, pour tenter cette fois-ci une partie avec un lanceur de sorts et de miracles. J’ai aimé les deux approches. Elles procurent chacune des sensations différentes. Des souvenirs haletants. Des crispations et des cris de joie qui leur sont propres.

Alors certes. Je sais que certains viendront émettre des critiques sur les soucis techniques du jeu : textures, framerate, un brin de rigidité… Je les balaie immédiatement d’un subtil revers de la main – gantée en fer forgé, ça fait plus mal. Les errances techniques de DEMON’S SOULS ne sont absolument pas rédhibitoires, le jeu propose autre chose : une ambiance, des décors majestueux, l’immersion totale… tout cela fait oublier les chutes de framerate ponctuelles : on se retrouve happé… dévoré. En suspension, incrédule dans un univers irréel. Ensuite, c’est vrai, le jeu a peut-être des défauts. Certains archidémons (boss final d’un monde) sont parfois plus faciles à occire que les simples démons. D’ailleurs les boss sont, dans l’ensemble, les moins difficiles des SOULS. Moi ça ne m’a pas dérangé – ça m’a surpris, déstabilisé. Et c’était peut-être le but du jeu, de récompenser le joueur méritant capable de se présenter face à un boss final préparé comme jamais, remonté comme une pendule… pour arriver à l’heurt. Le tout dernier boss du jeu d’ailleurs, est complètement grotesque : sa présence a plus un but narratif que ludique – voilà à quoi finissent par ressembler les esprits corrompus… Le même constat peut être fait concernant la mort de Maiden Astraea : toute cette violence était-elle véritablement justifiée ? Le fabuleux FURI usera, en 2016, du même stratagème.

Le level design enfin, qui claque la porte au principe du monde ouvert est, selon moi, divin. Certes, il sera encore amélioré dans les jeux suivants, et il doit aussi beaucoup à l’ambiance générale… au fait que mourir, nous fait revenir au tout début du niveau, dans la carcasse fragile d’un Phantom dépouillé de ses récents points d’expérience (les Souls). Sous cette forme le joueur a alors beaucoup moins de points de vie, et il faut terrasser un démon pour revenir parmi les vivants ! Mais mourir n’a pas que des défauts. Sous la forme d’un Phantom, nos coups font un peu plus mal par exemple – et on se surprend aussi à tenter plus de choses, craignant moins le baiser froid de la mort puisque nos lèvres ont déjà été marquées de son triste sceau.

Des roulades improbables, des morceaux de bravoure incroyables ou des traitrises infâmes. DEMON’S SOULS vous laisse le choix des armes, et des larmes.

Note :  

Héritier des KING’S FIELD, DEMON’S SOULS est une espèce d’action-RPG qui dynamita le genre – peut-on dire qu’il en inventa un nouveau ? Une influence rare pour un jeu récent : combien de jeux, des triples A à ceux des plus petits studios indés, se sont en effet inspiré de ses mécaniques, au point aujourd’hui de parler de Souls-like pour désigner ces titres ? Je ne suis pas entré dans tous les détails que recèle DEMON’S SOULS – le lore, l’influence d’Internet (hélas inaccessible désormais), la Tendency des mondes et du joueur, etc. : des guides en ligne font ça mieux que moi. D’ailleurs, il n’est pas nécessaire de s’attarder sur ces innombrables données pour jouer à DEMON’S SOULS – tout du moins lors d’une première partie, où vous risquez d’être suffisamment occupé à dompter les mécaniques de base du jeu. Préparez-vous pour une aventure dantesque, une épopée extrêmement valorisante… pas véritablement difficile. Plutôt exigeante.

Images : Jeuxvidéo.com

Trailer :

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