Haruyukite Retrochika – The Centennial Case: A Shijima Story (PlayStation 4, 2022)

HARUYUKITE RETROCHIKA – THE CENTENNIAL CASE: A SHIJIMA STORY
Titre alternatif : The Centennial Case: A Shijima Story
Année : 2022
Studio : h.a.n.d. Inc.
Éditeur : Square Enix
Genre : le fruit des fendus de Square Enix
Joué et testé sur PlayStation 4
Support : Blu-ray


La famille Shijima a connu de nombreux décès inexplicables au cours des cent dernières années. Lorsque Haruka Kagami, une écrivaine de polars, rend visite aux Shijima, un terrible évènement survient. Elle décide alors d’enquêter sur quatre affaires de meurtre survenues à différentes époques… L’histoire de la famille Shijima est parsemée de drames, et de mystères. Certains prétendent même que cette dernière possèderait le secret de la jeunesse éternelle grâce au tokijiku, un fruit aux propriétés… surnaturelles ?

Dans la catégorie des jeux de niche qui ont du chien, si 428: SHIBUYA SCRAMBLE est un peu le roi des visual novels, THE CENTENNIAL CASE: A SHIJIMA STORY est sans aucun doute le pape des jeux d’enquête au format FMV. Généralement, les producteurs de ce genre de titres sont pris en étau entre un budget minuscule, et des temps de tournage extrêmement limités. Ici, il en va tout autrement : Square Enix étant impliqué dans la partie, on peut aisément deviner que le budget alloué était particulièrement confortable – pour une production de ce genre-là, j’entends. Résultat des courses ? THE CENTENNIAL CASE n’est ni plus ni moins que le blockbuster des jeux en FMV : le soin accordé à la réalisation et à la photo, les nombreux sites différents (en intérieur ou en décors naturels, là où de nombreux FMV sont obligés d’abuser du huis clos), les musiques, les reconstitutions d’époque, l’écriture… Ce jeu est une véritable bénédiction, la pépite des jeux en FMV qui constamment, nous épate. Les acteurs en tête ! Malgré une ou deux personnes en retrait, la majorité du casting s’en sort avec classe, et talent. Ce qui n’est pas une surprise puisque la plupart d’entre eux sont des professionnels expérimentés de la télévision et du cinéma japonais. Entre les vétérans Yokoyama Megumi et Enoki Takaaki, l’éblouissante Tsutsui Mariko qui nous a souvent régalés sur grand écran (je vous recommande chaudement l’étrange HARMONIUM) ou encore Sakuraba Nanami (MANHUNT), d’une justesse absolue, le public sera irrémédiablement comblé – la réalisation, le scénario et les dialogues très réussis se chargeant alors du reste. Oui le spectateur est conquis et l’immersion, garantie.

Parallèlement au format FMV du jeu, qui se suit comme un bon petit film et durant lequel il conviendra de prendre quelques décisions ponctuelles (qui influent surtout sur les dialogues, pouvant éventuellement éclairer ou obscurcir votre lanterne), THE CENTENNIAL CASE est aussi un jeu d’enquête, de logique et d’énigme. Ces séquences seront représentées sous la forme de « phases de réflexion », qui rappelleront à certains l’inénarrable DANGANRONPA. Avant de confondre le ou la coupable (au format FMV), vous devrez donc rassembler des preuves, connecter des indices, reconstruire la temporalité d’un meurtre… Oui il faudra vous triturer les méninges plus que de raison – sachez cependant que de nombreux indices sont à votre disposition (jusque dans la représentation graphique des « phases de réflexion » – si, si, regardez bien !). De plus, une erreur n’est jamais rédhibitoire. Certes vous ferez face à un écran de game over, mais pourrez à loisir reprendre votre partie juste avant. Ces erreurs seront en fait sanctionnées par une mauvaise note lors de la résolution finale… même si, à mon sens, la plus grande des punitions est celle qui nous est proposée au format FMV : l’humiliation en direct de notre personnage principal, Haruka, avec quelques moues géniales de Sakuraba Nanami et des remarques assassines des autres protagonistes, nous arrachant alors une honte froide, et quelques rires frais. Dernier détail concernant les indices : utiliser le bouton triangle pour en capturer certains lors des phases en FMV se révèlera vite inutile, puisque ceux-ci seront de toute manière ajoutés automatiquement à votre liste pour la phase de réflexion. Il ne s’agit pas d’un défaut du jeu, mais plutôt d’un leurre – d’autres indices, essentiels et qui ne seront enregistrés nulle part, pourraient alors échapper à votre attention. Le regard ou la réaction d’un personnage, un mot, une phrase voire un souffle coupé lors d’une scène pourrait bien avoir une importance capitale, une résonance dans l’aventure plusieurs heures plus tard…

L’histoire, qui navigue intelligemment entre les époques, est extrêmement prenante – surtout que tout est lié, qu’un meurtre commis il y a 50 ans pourrait bien vous aider à élucider celui survenu la veille… Tout du moins si vous prêtez suffisamment attention aux détails. Heureusement le jeu a pensé aux joueurs distraits, puisqu’il vous sera possible, à tout moment, de vous replonger dans la base de données des indices, dialogues et autres preuves glanés çà et là – de nombreuses cartes seront aussi mises à votre disposition afin de vous aider à mieux vous approprier les lieux. Passionnant ! Les différentes époques visitées, outre le fait qu’elles renforcent le sentiment de variété, viennent aussi renforcer l’impression de naviguer ponctuellement dans une nouvelle d’Edogawa Ranpo – en particulier lorsque l’on se retrouve embarqué au milieu de l’ère Shōwa. La présence en filigrane d’un soupçon de surnaturel, dont on doute constamment de la présence réelle, vient encore renforcer ce lien de parenté.

Plutôt long pour le genre, le jeu de Square Enix souffre néanmoins du fait qu’il ne peut pas vraiment être refait dans la foulée – visiblement il n’y a pas d’embranchements dans le scénario, ni de fins différentes. Pour moi il ne s’agit pas vraiment d’un défaut, THE CENTENNIAL CASE étant suffisamment riche pour être apprécié passionnément une fois. Libre à vous de le relancer dans quelques années, comme un bon petit film, lorsque vous en aurez oublié quelques détails et intrigues. Non, pour moi le seul vrai souci du jeu de Square Enix est son dernier chapitre, très difficile à résoudre mais pas forcement pour de bonnes raisons. Outre l’épilogue un petit peu long (mais touchant), j’ai ainsi eu la désagréable impression que l’on me demandait de deviner des choses vraiment improbables à une ou deux reprises… Même si encore une fois, et en y repensant maintenant, je me dis qu’il y avait bien eu quelques indices disséminés çà et là, plusieurs heures plus tôt dans l’aventure…

Pas parfait mais extrêmement prenant et généreux, THE CENTENNIAL CASE propose une aventure inoubliable sous la forme d’une enquête en FMV reprenant certaines mécaniques de DANGANRONPA. Écrit, filmé et pensé presque à la perfection, doté de sous-titres français et anglais, THE CENTENNIAL CASE profite également du talent de nombreux acteurs, pour certains vraiment très bons. L’immersion est totale, le spectacle saisissant et l’émotion parfois… fatale.

Note :

Hormis un ou deux détails assez louches et difficiles à deviner selon moi durant le dernier chapitre du jeu, et l’absence de véritables embranchements dans le scénario, THE CENTENNIAL CASE: A SHIJIMA STORY demeure à mon sens une expérience mémorable. Le jeu de Square Enix est régulièrement découpé en plusieurs phases : des séquences en FMV avec quelques choix à effectuer (dont les conséquences auraient pu être plus marquées, c’est vrai) , une phase de réflexion et de logique rappelant un peu DANGANRONPA, puis l’emballage final, au format FMV, qui se rapproche de certains jeux de procès et où il faudra confondre le ou la coupable en prenant les bonnes décisions (en vous inspirant des preuves et indices dégagés durant la phase précédente). Bien filmé dans des décors magnifiques (et parfois naturels), THE CENTENNIAL CASE: A SHIJIMA STORY s’appuie également sur une interprétation solide et un scénario bien pensé, naviguant entre les crimes impossibles imaginés par Agatha Christie et l’atmosphère intrigante d’une ère Shōwa portant le sceau sordide d’Edogawa Ranpo.

Images : éditeur

Bande annonce :

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