Rule of Rose (PlayStation 2, 2006)

RULE OF ROSE
Année : 2006
Studio : Punchline / Shirogumi
Éditeur : Sony
Genre : chienne de vie
Joué et testé sur PlayStation 2
Support : DVD-ROM


Jennifer aperçoit deux petites filles dans un parc, et un chien. Le passé alors, remonte. Vécu ou fantasmé ? Puis Jennifer descend d’un bus, en pleine nuit, et met les pieds dans une vieille bâtisse et dans les souvenirs qui la hantent. Des images aux relents douceâtres, et nauséeux. La hantise, permanente. Et cette violence qui l’habite. La peur au ventre.

Petit à petit, Jennifer semblera recouvrer la mémoire, ou tout du moins des bribes. Reconnaitre d’abord l’amour de Brown, son chien, puis le visage de ces pestes. Ses amies ? Ce livre ouvert clair-obscur sur ses souvenirs… Codé. Fragmenté. Un palimpseste ?

 Le voyage, tortueux, promet d’être mouvementé. Et particulièrement douloureux.

Après avoir subi une introduction techniquement saisissante, mais psychologiquement traumatisante, le joueur se lance dans RULE OF ROSE la peur au ventre. On s’attend en effet au pire, à raser constamment les murs, à sursauter à la moindre embrasure. À devoir supporter de nombreuses tortures ? Et pourtant… le jeu ne fait pas vraiment peur. En ce sens les premières images annonçaient la couleur : le jeu ne fait pas peur mais installe une ambiance aux relents amers de fleurs d’amiante – concernant les roses, c’est davantage de leurs épines qu’il sera ici question : torture, harcèlement, traumatisme et désespoir. Les (ana)thèmes du jeu sont particulièrement durs à encaisser et il faut parfois avoir l’estomac bien accroché. Pas d’horreur frontale mais des images tristes, des ellipses assassines et des souvenirs pareils à un douloureux kyste. Lorsqu’un vieux libidineux caresse une petite fille et l’emmène dans une salle obscure, armé de son sourire horriblement affable, on se doute que ce n’est pas pour une partie de scrabble. Le dénouement même du jeu n’est pas particulièrement joyeux, mais vraiment ingénieux, installant une ambiance douce-amère nimbée d’une nostalgie certaine, remettant quelque peu en perspective ce que l’on vient de vivre. Une chose est sûre : il vaut mieux vous lancer dans l’aventure en dehors de vos phases de dépression…

En plus de son sujet original et particulièrement scabreux, RULE OF ROSE se détache des autres jeux de survival horror grâce à sa narration, intelligemment déstructurée et pas si simple à suivre ni à digérer, à tel point que l’histoire laisse une place certaine à l’interprétation. La progression elle-même tourne le dos et les talons aux classiques du genre, en ne proposant pas vraiment d’énigmes et donc de fil barbelé à retordre. En apparence le jeu ne semble donc pas très difficile et l’aventure, bien que terrible, se déroule de manière fluide – le level design est bien pensé, on ne se sent jamais perdu et on avance en dénichant objets après objets grâce à la merveilleuse idée du chien malin et à la truffe particulièrement aiguisée. Chaque type d’objet, une fois reniflé par votre toutou, peut en effet mener à un ou plusieurs autres (c’est fort bien indiqué dans l’inventaire), aussi vous faudra-t-il régulièrement faire confiance à votre meilleur ami voire même, parfois, accepter de le suivre aveuglement. Beaucoup d’allers-retours à la clé, et des promenades assez longues qui plairont au joueur conquis par l’atmosphère et les décors si particuliers du jeu (le zeppelin notamment, fabuleux), ou qui feront fuir les autres, plus pressés d’en découdre quitte à avaler de la poussière à force de la mordre…

Contre toute attente, RULE OF ROSE propose en effet une difficulté en dents de scie : un début très doux, puis les premiers combats et la consternation (la maniabilité n’a pas été prévue pour) et enfin la nausée en raison de pics de difficulté absolument consternants. Au concours Lépine des idées saugrenues, les roses du jeu de Punchline/Shirogumi sont donc particulièrement bien aiguisées : qui s’y frotte, s’y pique – au point de finir empalé dessus ! On en revient alors à ce que je disais plus haut : la nécessité de multiplier les allers-retours en suivant Brown, le chien, afin de récupérer différents objets dont de la nourriture, cette dernière devenant très vite indispensable pour se revitaliser le temps d’un combat injuste et injouable. Et ne croyez pas que j’exagère : malgré mon assuétude au mal (jouer et me battre dans RESIDENT EVIL ou SILENT HILL sur une vieille PlayStation ne me dérange aucunement), les combats de RULE OF ROSE m’ont découragé plus d’une fois et arraché plus d’un râle. Hitbox odieuse, lenteur assassine, caméra fallacieuse et pour couronner le tout (mais d’une couronne d’épines), ces combats, quelques fois particulièrement longs, sont parfois imposés dans des endroits exigus – on finit exsangue, à deux doigts coupés de courber l’échine face à tant de monstres ventrus.

Heureusement, RULE OF ROSE propose aussi de très longues séquences sans aucun combat. Mais un ou deux boss et des arènes féroces vers la fin du jeu pourraient fort bien avoir raison de votre patience – et pour les autres, les plus valeureux ou les plus masos, c’est selon, survivre à ces joutes mal programmées (ou mal finalisées, puisque plusieurs difficultés étaient prévues avant que la sortie du jeu ne soit précipitée) vous procurera uniquement un soulagement profond. Ou un plaisir abscons ? Ce problème gâche véritablement une partie de l’expérience proposée par le jeu, aussi je ne pourrais vous conseiller ce dernier sans vous mettre durablement en garde : en raison de son originalité certaine et de ses thèmes peu courants, RULE OF ROSE est un jeu à faire absolument, en particulier si vous aimez le genre survival horror. Néanmoins ses défauts bien réels pourraient s’avérer rédhibitoires pour le commun des mortels.

Note :    Nostalgie :

Conchié à sa sortie par des gens qui n’y avaient évidemment pas joué, RULE OF ROSE est un grand jeu maudit. Un survival horror osé et éclairé, dont la maniabilité semble avoir été programmée dans un taudis. Les combats sont en effet un supplice – d’aucuns diront que c’était pour rester dans les thèmes adultes et traumatisants du récit… Un horrible délice ? Malgré ce défaut criant, RULE OF ROSE demeure un jeu à part. Un jeu bancal aux souvenirs blafards qui interrogent sur la structure-même de son scenario. Ce jeu de pistes dans des souvenirs, cauchemars ou traumatismes obscurcis ennuiera certains joueurs, mais devrait en passionner bien d’autres.

Images : wkduffy

Trailer d’époque :

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