CONTRA: ROGUE CORPS
Année : 2019
Studio : Toylogic
Éditeur : Konami
Genre : jeux à deux balles (dans la tête)
Joué et testé sur PlayStation 4
Support : Blu-ray
Quelques années après les Alien Wars, Damned City est devenue une ville ravagée, gangrenée par un mal étrange et dont les habitants semblent devenus fous. Un portail monstrueux vomit régulièrement des armées de monstres anéantissant tout sur leur passage. Immunisés contre les maux mystérieux de Damned City, quatre guerriers connus comme les Jaegers vont se lancer à l’assaut des monstruosités qui y pullulent, dans l’espoir de récupérer un peu d’or et des pièces détachées de qualité, mais aussi et surtout de fermer le portail maudit à tout jamais. Les Jaegers combattent chacun de manière très différente : Kaiser est un cyborg, relique des Alien Wars, Ms. Harakiri est une assassine redoutable, The Gentleman est à la fois le plus étrange (c’est un insecte extraterrestre) mais aussi le plus cultivé de la bande, et Hungry Beast est un combattant panda cyborg, mais aussi un brillant scientifique.
Un nouveau CONTRA développé directement par Konami, la nouvelle avait de quoi provoquer des sueurs froides chez les fans du monde entier. Entre de nombreuses machines de pachinko, des jeux sur smartphone et quelques compilations rétro, le sort de CONTRA: ROGUE CORPS semblait tout tracé. Malgré tout, la présence d’un certain Nakazato Nobuya à la tête du projet avait fini par rassurer les joueurs : difficile en effet de ne pas faire confiance au game director de CONTRA SPIRITS et de CONTRA: HARD CORPS, deux monuments de l’histoire du jeu vidéo 2D. Mieux : l’intéressé fut aussi le producteur de NEO CONTRA sur PlayStation 2, réalisé, souvenez-vous, en 3D ! Ça tombe bien puisque ROGUE CORPS marche dans ses pas en tournant littéralement le dos aux premiers CONTRA (hormis quelques courtes séquences en mode Shooting Gallery), et en ouvrant grand les bras au genre twin-stick shooter. Résultat des courses ? Eh bien CONTRA: ROGUE CORPS est aux jeux vidéo ce que le déraillement est aux trains, Uwe Boll au cinéma et l’écriture inclusive à la grammaire : un désastre !
À une époque où il est de bon ton de paraitre offensé H24, je me garderai bien de critiquer quelqu’un sur son physique – la seule chose qui importe au nom du politiquement correct, c’est la beauté intérieure, n’est-ce pas ! Je ne perdrai donc pas de temps à critiquer ROGUE CORPS sur ses graphismes, textures et animations. Par contre, je vais m’attarder sur tout le reste. Pour faire court, ROGUE CORPS est à la fois un mauvais CONTRA, et un mauvais twin-stick shooter. Un mauvais CONTRA car dans la franchise culte de Konami, tout y est normalement millimétré – la moindre balle ennemie, chaque monstre, tous les obstacles parsemant notre chemin de croix (directionnelle). Aussi avec de l’habileté et de la persévérance, on finit presque toujours par progresser et par se défaire des situations les plus inextricables. Dans ROGUE CORPS, c’est tout simplement le chaos : les développeurs dégobillent des hordes d’adversaires dans des arènes de plus en plus étroites – on a juste la désagréable impression de patauger dans du vomi. Mais ROGUE CORPS est aussi un mauvais twin-stick shooter, puisque le stick droit n’est, ici, pas utilisé pour tirer, mais pour bloquer le tir dans une direction donnée. Étrange et pas forcément très intuitif. Pire : le dash est lourdingue (mais essentiel, on est obligé d’en abuser) et nos armes surchauffent rapidement ! Un concept absolument ubuesque, à la fois dans un CONTRA et dans un twin-stick shooter, censés procurer des sensations grisantes, rapides, fluides… Pourquoi pas instaurer une jauge de recharge de plusieurs secondes entre deux sauts dans SUPER MARIO BROS, tant qu’on y est ?! Non mais on se marche sur la tête – n’essayez pas, ça fait mal.
Le jeu est d’un ennui abyssal, le level design est ici réduit à sa portion congrue et on se retrouve parfois à enchainer des espèces d’arènes dessinées sans imagination dans des décors souvent similaires – oui, on nous force à refaire un nombre incalculable de fois les mêmes niveaux avec simplement plus d’ennemis, plus résistants. C’est ainsi que les développeurs augmentent le degré de difficulté de leur jeu, d’un niveau à l’autre : ils empilent les boss, nous noient sous des vagues de monstres qui se répètent ad nauseam au point parfois de nous faire perdre notre personnage de vue – quand ce n’est pas la caméra, ponctuellement ignoble, qui s’en charge. C’est d’une malhonnêteté intellectuelle crasse : plutôt que de corser leur jeu petit à petit en nous proposant des combats intéressants contre des adversaires aux routines de plus en plus vicieuses, on nous jette à la figure des tonnes, et des tonnes, et des tonnes d’adversaires déjà vus et vaincus cent fois avant – et c’est pareil concernant les boss qui sont de plus, très souvent, inintéressants à défier mais hyper résistants. Je crois qu’on dit sacs à PV… Le vice des développeurs se retrouve jusque dans le combat final, pas toujours très lisible ni très agréable puisque, comme le veut la tradition dans ROGUE CORPS, il ne s’agit pas d’un mano a mano : pour corser artificiellement la difficulté, les gars de Konami ont cru bon d’ajouter des petits monstres un peu partout pour nous déconcentrer. Un calvaire.
J’ai gardé le meilleur pour la fin : CONTRA: ROGUE CORPS a été pensé comme une espèce d’action-RPG (et non, ici RPG n’est pas synonyme de lance-grenade). Il y a plein de matériaux à récupérer, il faut améliorer notre personnage, personnaliser notre équipement, modifier les armes et les faire monter de niveau – autrement le jeu devient vite trop difficile. Alors premièrement, quand on joue à un CONTRA on n’a pas nécessairement envie de perdre des dizaines de minutes dans des menus abscons. Deuxièmement, eh bien comme je viens de le dire, c’est incompréhensible – mais vraiment. J’ai dû me faire violence pour m’y mettre sérieusement, et je n’en suis resté qu’aux bases (améliorer simplement mes deux armes et augmenter mon nombre de points de vie). Troisièmement : monter les niveaux prend un temps fou. Je présume que ça a été fait à dessein, afin de nous obliger à faire et refaire un nombre incalculable de fois les mêmes niveaux ou missions facultatives seul ou en coopération… Mais comme le jeu devient vite répétitif et irritant, c’est une fausse bonne idée. Je pourrais aussi parler du temps limité de chaque mission, de l’impossibilité de mettre le jeu en pause (ubuesque), mais je crois que je vais m’arrêter là.
Je vous entends alors déjà me poser cette question qui vous brûle les lèvres comme le ferait un lance-flammes nucléaire : pourquoi diable ai-je passé une dizaine d’heures sur ce jeu pour le terminer en mode normal ?! Tout d’abord je suis un peu stupide, et quand j’ai une idée en tête, soit on me la coupe, soit je vais au bout. Ensuite, eh bien je n’ai pas pu réajuster la difficulté du jeu en cours de route, et comme je ne voulais pas reprendre le jeu à zéro j’ai continué, la mort dans l’âme, en mode normal. Enfin, je me suis imaginé Nakazato Nobuya dans la peau du boss final du jeu – oui, oui, je sais, j’ai beaucoup d’imagination. J’ai donc souhaité relever son défi nonsensique, et accessoirement le truffer de plombs virtuels atomiques.
Note :
CONTRA: ROGUE CORPS est à la fois un mauvais CONTRA et un mauvais twin-stick shooter, particulièrement malhonnête : pour gonfler la difficulté on nous noie sous des vagues d’ennemis de plus en plus résistants et nombreux sans vraiment renouveler le level design (je devrais dire : les arènes) ce qui nous pousse, la mort dans l’âme, à devoir perdre beaucoup de temps dans les menus illisibles du jeu, afin de personnaliser notre arsenal et d’effectuer diverses améliorations, pour avoir une chance de survivre la prochaine fois que les développeurs nous enfermeront dans une petite arène avec trois ou quatre boss empilés et leurs hordes d’horribles minions. Courage, fuyons !
Trailer :