Clive Barker’s Jericho (PlayStation 3, 2007)

CLIVE BARKER’S JERICHO
Année : 2007
Studio : MercurySteam / Alchemic Productions
Éditeur : Codemasters
Genre : surnatur-hell
Joué et testé sur PlayStation 3
Support : Blu-ray

Avant les Hommes, Dieu créa le Firstborn. Trop puissant, instable, ses défauts étaient criants, et il fut rapidement banni dans le Pyxis. Par six fois, le Firstborn tenta de revenir dans notre monde, mais par six fois les membres du Department of Occult Warfare l’en empêchèrent. Cette organisation, comprenant des soldats aux capacités surnaturelles, est désormais appelée Jericho. Sept d’entre eux sont envoyés sur le terrain pour, une nouvelle fois, contrecarrer les plans du Firstborn. Leurs pouvoirs sont extrêmement diversifiés (résurrection, télékinésie, sanguimancer, projection astrale, boucle temporelle…) et leur arsenal est tout aussi imposant. Mais rien ne se passera comme prévu…

On ne présente plus Clive Barker, pape du gore et du fantastique dérangeant, enfant malsage de la littérature et du cinéma américain débordant d’intelligence et de rage. Avant tout connu et reconnu pour la richesse de ses ouvrages, Clive Barker a également rencontré un certain succès derrière la caméra – les films HELLRAISER et NIGHTBREED sont, fort logiquement, devenus cultes (et LORD OF ILLUSIONS aurait dû le devenir). Dans le monde des jeux vidéo, Clive Barker a eu moins de réussite, puisque plusieurs titres basés sur ses écrits ont été purement et simplement annulés : HELLRAISER sur NES, DEMONIK sur PC et Xbox 360, UNDYING sur PlayStation 2 – ce dernier fut malgré tout édité sur PC. Ouf. Hélas même lorsque l’on s’attarde sur sa liste de jeux ayant finalement vu le jour, ce n’est pas fou, pas de place pour l’esbroufe : deux jeux pas très jouables sur le thème de NIGHTBREED sortis sur Atari ST et Amiga, et JERICHO, sorti en 2007 sur PC, Xbox 360 et PlayStation 3. Avec une place de choix réservée au peu glorieux musée des horreurs ?

Pleurs étouffés, gémissements rauques et créatures difformes qui s’égueulent : les ombres de JERICHO sont peuplées par des maux lancinants et sadiques, qui quittent parfois les obscures dents des recoins pour nous mordre directement – horreur frontale et graphique qui ne recule devant rien, piétinant toute notion du bon goût. Si JERICHO joue donc clairement la carte du malaise, il le fait hélas au détriment de la frousse. Le problème majeur du jeu de Clive Barker vient en fait de son concept : il s’agit d’un FPS dans lequel on contrôle non pas un personnage, mais toute une escouade, avec la possibilité de sauter d’un individu à l’autre à tout moment. C’est particulièrement bien vu, original et intelligent, puisqu’il s’agit d’un pouvoir psychique tout à fait crédible dans l’univers fantastique et torturé de JERICHO, mais il brise aussi le sentiment d’isolement qui devrait étreindre le joueur, ainsi que la peur de la mort puisque celle-ci n’est presque jamais punitive – lorsqu’un personnage meurt, notre conscience saute automatiquement dans le cerveau de quelqu’un d’autre, et on peut alors ressusciter notre camarade tombé au combat dans la foulée par une simple pression sur le bouton X. Et si on meurt encore une fois, c’est reparti pour un tour… Certains personnages, habitués à la chose ou peut-être masochistes, plaisantent même parfois à ce sujet : on prend le contrôle d’un différent personnage, on ressuscite celles et ceux qui sont encore à terre, on meurt, on se relève, et vicieux versa.

Si le jeu ne fait pas peur, que vaut son gameplay ? Eh bien, il est à la fois plein d’imagination, et quelque peu figé dans le temps. Oui, JERICHO accuse son âge et à sa sortie on ne va pas se mentir, il était déjà un peu rouillé. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais il y a comme une odeur de moisie qui émane de ses entrailles. Le jeu n’est pas très joli, le framerate pique, les ennemis sont peu variés, l’IA est vraiment limitée, les environnements se répètent souvent et sont d’une simplicité extrême, les QTE arrivent comme un cheveu sur la soupe à la ciguë et la maniabilité manque de précision, d’impact. Le fait de diriger une escouade (à laquelle on peut d’ailleurs donner des ordres) et de pouvoir sauter rapidement d’un personnage à l’autre est une idée merveilleuse sur le papier, mais un brin brouillonne manette en main – nos alliés tombent souvent comme des mouches, on les accompagne allègrement, on les relève, on retombe dans un running gag permanent. Pire : si je n’ai rien contre les FPS dits « de couloir », les développeurs ont ici pris l’expression au pied de la lettre ! Le level design accuse une paresse crasse, sans aucune intersection ni passage secret et encore moins d’objet à ramasser (et Dieu créa la flemme…). Et c’est le joueur, meurtri, qui se lasse…

Heureusement, malgré ses défauts, le gameplay de JERICHO propose des attaques et pouvoirs tellement innovants qu’il donne toujours envie d’avancer, de tuer, de trancher, de brûler et d’éviscérer. Chaque personnage possède en effet deux armes différentes (ou deux tirs différents pour certains) ainsi que deux pouvoirs surnaturels ! C’est tout simplement orgiaque ! Ici une attaque au katana, là un pouvoir qui permet de paralyser nos adversaires en versant plusieurs gouttes de notre sang, des mitrailleuses lourdes, un revolver dans chaque main, la pyrokinésie, une projection astrale, de la télékinésie (imaginez cela couplé avec une balle de sniper !), la possibilité de déposer des mines ou de ralentir le temps, une grosse part de thaumaturgie… la liste est longue : ça continue encore et en gore. C’est d’ailleurs difficile de s’y retrouver durant les premières heures de jeu, qui peuvent même devenir pénibles – lorsque l’on contrôle six personnages, c’est trop. Le jeu n’est d’ailleurs jamais meilleur que lorsqu’il propose au joueur de ne gérer qu’un petit groupe, plus isolé. Heureusement, on finit par maitriser le gameplay et par mémoriser le nom et les attaques de chacun des personnages, ce qui nous permet par la même occasion de faire des ravages chez des adversaires que l’on aurait aimé plus malins – les boss relèvent un peu le niveau, même si le dernier est vraiment affligeant.

JERICHO souffle le chaud et le froid, mais ni le show, ni l’effroi. Je joue sur les maux, certes, mais le jeu signé/saigné par Clive Barker manque de profondeur, de souffle épique – la mise en scène est paresseuse, et ça manque d’impressionnantes scènes cinématiques. Pire : si l’histoire est sympa à suivre et que l’on a envie d’en connaître le dénouement (avant Adam et Eve, Dieu créa un certain Firstborn qui n’a jamais digéré son bannissement), le jeu se termine de manière beaucoup trop abrupte pour contenter les fans de l’écrivain, qui leur délivre ici une lettre d’amour trop brute. La peur, enfin, est comme je l’ai déjà précisé à plusieurs reprises, absente des débats. Si l’ambiance de JERICHO est malsaine, ses monstres ventrus n’effraient pas, surtout que la mort n’est pas vraiment punitive. Reste un gameplay ponctuellement inspiré, des pouvoirs incroyables, de rares passages carrément orgasmiques mais aussi le triste sentiment que cette aventure manque clairement d’envergure.

Note :

Si JERICHO a des qualités (un FPS proposant de nombreuses armes et des pouvoirs incroyables), ses défauts sont tellement criants qu’ils feront hurler une bonne partie des joueurs. Level design simpliste, technique en retrait, IA limitée, bestiaire peu varié, ambiance malsaine mais jamais effrayante et fin bâclée : des problèmes rédhibitoires pour le commun des mortels. Mais justement, ce jeu ne s’adresse peut-être pas à eux, mais plutôt aux quelques fans de Clive Barker à la peau (très) dure, habitués à marcher pieds nus au milieu des enfers et prédisposés à la torture.

Trailer :

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