Thief: The Dark Project (PC, 1998)

icone ordinateur pcTHIEF: THE DARK PROJECT
Titre alternatif : Dark Project : La Guilde des voleurs
Année : 1998
Studio : Looking Glass Studios
Éditeur : Eidos Interactive
Genre : ombre et dé-brouillard
Joué et testé sur PC
Support : CD-ROM


Dans un royaume gangréné par les turpitudes en tous genres, où les machines et le métal tendent à faire croire que le surnaturel a définitivement disparu, les fous de Dieu que sont les Marteleurs imposent leur emprise cruelle sur les petites gens. Mais quelques personnes leur résistent encore… les voleurs par exemple, dont vous, Garrett, secrètement protégé par les énigmatiques Gardiens, êtes le plus impitoyable représentant. Et à force de vous chercher des poux dans la tête, les Marteleurs risquent bien de perdre la leur. Après, bien évidemment, avoir pris le temps de les dépouiller de tous leurs biens… mal acquis. Mais prenez garde… car à force de traîner vos guêtres dans les ombres, vous pourriez bien y réveiller ce qui y était oublié depuis bien trop longtemps…

La première fois que j’ai joué à THIEF, c’était en l’an 2000. Après avoir déniché mon premier vrai travail, trouvé mon premier appart’ de célibataire et surtout en avoir eu fini avec un pas si glorieux service militaire. J’y jouais tous les soirs, dans l’obscurité totale de mon studio. Et lorsqu’une copine vint s’installer chez moi… j’ai continué à y jouer à un rythme quotidien, au grand dam de la demoiselle ! C’est que, voyez-vous, on ne tourne pas le dos comme ça à Garrett… et pas seulement par peur de se prendre un backstab ! Les aventures du mystérieux voleur sont tout simplement hypnotiques au possible, une véritable drogue. L’atmosphère y est pour beaucoup, sans doute (ambiance steampunk – médiévale fantastique). Mais que dire alors du gameplay, qui a quasiment tout inventé en matière d’infiltration ? Quelle baffe pour l’époque : se cacher dans les ombres comme un voleur dans une partie de Advanced Dungeons and Dragons, avec une telle science du silence et de la discrétion que le simple talent humain côtoie ici les cimes du surnaturel. Un rêve à jouer, littéralement. En particulier si, comme moi, vous avez eu votre période ADD (autour d’une table avec des dés, j’entends), et que vous aimiez par-dessus tout incarner des voleurs et des assassins. Eh oui, lorsque j’ai pour la première fois posé mes petits doigts musclés sur ce jeu, j’ai eu l’impression jamais plus ressentie depuis qu’il avait été programmé pour moi. Le roi du backstab, de l’embrouille facile, des poches vidées en un souffle. Le voleur habillé d’ombres.

Avant de
mourir,

Les menteurs ont été condamnés
à manger les mains
des voleurs,

Et les voleurs
ont dû avaler
la langue de leurs
frères menteurs.

Et nous avons loué
le Maître créateur
pour son jugement.

– – Livre des principes des Marteleurs

Le maître mot de THIEF est donc l’immersion, l’univers étant absolument incroyable. Comme je l’ai déjà dit, il s’agit d’un monde médiéval fantastique… gangréné par une technologie machiniste enrobant le tout d’une imagerie steampunk du plus bel effet (les outils des Marteleurs, quelques machines étranges comme ces choses ressemblant à des caméras fixées dans les couloirs humides des prisons…). Le mélange des genres est détonnant, surtout que les développeurs ont eu l’intelligence de ne pas surcharger leur monde de fantasy (tout du moins au début de l’aventure).

Un exemple venant illustrer l’immersion en question : dans le deuxième chapitre, vous serez amené à rencontrer un personnage qui vous livrera une information capitale pour la suite de l’aventure. Ladite information n’apparaîtra nulle part dans vos objectifs ou sur votre carte. Oui vous l’aurez compris : dans THIEF il vous faudra prêter attention à tout, chaque détail, chaque mot… sous peine de vous perdre dans les méandres de mystères des couloirs et autres tunnels lugubres de ce monde qui ne pardonne rien. En gros, dans THIEF, vous n’êtes pas assisté, on ne vous mâche jamais le travail. Bien évidemment vous disposez d’une carte, mais celle-ci n’est pas extrêmement précise et n’apparaît pas comme par magie constamment sur votre écran… pas plus qu’elle n’indique la présence de vos ennemis (ça change de tous ces jeux modernes où chaque héros de jeu vidéo semble disposer d’un GPS intégré). Lors d’une partie de THIEF, vous devrez donc utiliser vos oreilles… discerner les bruits de pas très proches (planquez-vous !) des plus lointains (vous avez encore le temps d’ébaucher une stratégie quelconque). De même… dans ces cas de stress intense, vous devrez avoir du nez (avec vos oreilles… si si, c’est possible) en parvenant à deviner de quelle direction provient le bruit en question (c’est bien évidemment vital pour la suite des évènements, et éventuellement passer subrepticement derrière un ennemi pour l’assommer avec style). Là où l’expérience devient purement jouissive, c’est dans la gestion de l’ambiance sonore : les développeurs ont réalisé un véritable tour de force avec une atmosphère diablement bien spatialisée, et les gardes qui discutent entre eux (criants de naturel !), les bruits gutturaux des monstres (terrifiants, je vous assure), les musiques d’ambiance (raaaah les mélodies tortueuses et pesantes des Marteleurs) ou encore et surtout le doublage du personnage principal (même en français, tout simplement culte) vous immergeront dans le jeu au point de vous faire oublier complètement votre environnement immédiat (oui, même votre femme !). Vous serez Garrett, et le ténébreux voleur deviendra alors une extension de votre corps, puisque vous le contrôlerez totalement : grimper, se baisser, marcher plus ou moins lentement, se pencher, crocheter les serrures, assommer, porter les corps inertes, effacer les éventuelles taches de sang sur le sol, utiliser des gadgets et armes en tous genres (flèches à corde, à feu, à gaz, des mines, des bombes…), et même la gestion des phases de pickpocket se feront en temps réel. THIEF est ainsi tellement riche que vous continuerez à découvrir de nouvelles possibilités à mesure que vous vous familiarisez avec le jeu (c’est uniquement une fois arrivé au sixième chapitre que je me suis rendu compte que je pouvais me jeter dans le vide pour me rattraper à une corniche en plein saut – bien avant MIRROR’S EDGE). Oui dans THIEF l’immersion passe autant par la prouesse technique (ambiance sonore, level design fabuleux) que par le gameplay qui vous demandera une attention de tous les instants (on est loin d’ASSASSIN’S CREED dans lequel le joueur est plus un spectateur passif qu’autre chose : dans DARK PROJECT, le joueur est act-thief).

Nous dansâmes en signe de joie et de triomphe.

Et avec nous
le seigneur aux bois
fit danser le fou.

Vint l’orage avec
ses éclats de joie,
la nuit avec ses
ténèbres effrayantes,
le feu avec son
ardeur chaleureuse.

Nous dansâmes en signe de joie et de triomphe.

– – Dernier extrait du manuscrit « Infinitu »

Et quand on parle de gameplay… comment ne pas envisager LA grande prouesse du jeu, celle-là même qui l’a fait entrer dans la légende vidéoludique : la possibilité de se cacher dans les ombres. THIEF est en effet le premier vrai jeu d’infiltration en vue subjective (dans un autre style, on pense bien évidemment à la série METAL GEAR, plus ancienne). THIEF a donc réinventé un genre, avec sa « jauge d’obscurité » sensationnelle, disposée dans le bas de l’écran. Elle varie du noir absolu (vous êtes alors complètement invisible, même si vous vous trouvez à cinquante centimètres d’un ennemi) en passant par de multiples teintes différentes, vous indiquant que vous êtes plus ou moins visible. Tout sera alors à prendre en compte, pour vous dissimuler et surprendre vos adversaires : les lumières, les torches (que vous pouvez éteindre avec des flèches à eau), les embrasures des portes, les ombres qui suintent des murs… mais aussi votre position (accroupi, vous êtes mieux caché) ainsi que la texture du sol (le silence est bien évidemment un élément majeur de votre discrétion > n’oubliez donc pas que vous avez des flèches à mousse à votre disposition, afin d’étouffer le bruit de vos pas). Toutes ces données mises bout à bout sont absolument vitales pour bien progresser dans l’aventure… car si Garrett est un voleur né doublé d’un assassin sans pitié (si vous en décidez ainsi), il n’est efficace que lorsqu’il parvient à surprendre ses victimes : dans le cas d’une attaque frontale, vous serez ainsi régulièrement perdant. Oui, dans THIEF, la plume hait l’épée. Et d’ailleurs, si vous choisissez une difficulté élevée, vous ne pourrez pas utiliser votre lame dans certains niveaux (Garrett devenant alors uniquement un voleur, et non un assassin : le jeu change alors du tout au tout et démultiplie une replay value déjà conséquente).

Je n’ai jamais volé de dieu à ce jour.
Cela sera un défi.

– – Garrett

En plus d’offrir un gameplay quasiment nouveau et dantesque, ainsi qu’une réalisation de qualité (la palme aux effets sonores), THIEF plonge le joueur dans une véritable aventure, qui se tient d’une mission à l’autre. Certes il ne s’agit pas du scénario du siècle, mais l’important est bien là : l’immersion totale, par le biais de cinématiques placées entre les niveaux. Réalisées avec trois bouts de ficelle (ne vous attendez pas à du Square Enix), lesdites cinématiques sont artistiquement sublimes et, sur le fond, elles donnent corps et âme (et horreurs) à l’esprit sans pitié des Marteleurs. Certains mastodontes des jeux vidéo feraient bien de s’en inspirer aujourd’hui : il n’est en effet nullement nécessaire d’un budget pharaonique et de cinématiques de plusieurs heures pour donner vie (et mort) à une histoire. Dans THIEF, vous suivrez ainsi Garrett dans des péripéties qui iront sans cesse crescendo. De simples casses et filatures, en infiltration dans les prisons des Marteleurs, en passant par le vol d’une épée dans une bâtisse extraordinaire qu’auraient pu dessiner Dali et Machiavel à quatre mains, jusqu’à l’exploration de ruines hantées, la découverte de grandes citées oubliées et enfin la descente aux enfers dans le satanique gouffre du chaos (dont l’entrée est tout simplement extraordinaire)… Presque toutes vos missions se révéleront d’une richesse insoupçonnée et surprenante (car il n’est pas rare que vos objectifs changent en cours de route). Oui dans THIEF, on enchaîne quasiment épopée sur épopée ! Homérique, je vous dis, tout simplement Homérique ! D’ailleurs ne faites pas confiance aux vidéos qui tournent sur le Net : si les pros peuvent boucler chaque mission en vingt ou trente minutes, vous risquez bien de vous y perdre quelques heures à tâtonner et à chercher votre chemin, semé d’embuches et d’horreurs (dans mon dernier walkthrough il m’a fallu plus de 14 heures pour boucler l’aventure – et il ne s’agissait même pas de l’édition Gold, plus longue de trois missions).

THIEF est donc ce que l’on appelle un classique, surtout qu’il semblerait que bien des années après la sortie du jeu, notre voleur préféré soit toujours bien vivant. J’en veux pour preuve les suites qui ont suivi, mais aussi la grande communauté de joueurs encore active aujourd’hui. Oui le cœur de Garrett palpite encore… sur ses gardes, quelque part dans les ombres. Prêt à ravir votre or, et plus rarement à donner.
La mort.

Note : Nostalgie :

THIEF est un jeu unique qui révolutionna le monde vidéoludique. Il fut souvent copié, mais jamais égalé par d’autres franchises. Et vu le tournant pris par l’industrie des jeux vidéo aujourd’hui, on peut raisonnablement douter de l’apparition d’un meilleur titre dans le genre (la mode est au joueur assisté et à la régénération automatique). Un chef d’œuvre absolu et indémodable, toujours à la pointe (de l’épée) bien des années après sa sortie. D’une richesse et d’une ambiance insoupçonnables, THIEF est, qui plus est, rehaussé par une IA très correcte (un garde aperçoit une ombre il vous cherche puis abandonne, s’il vous voit vraiment par contre il vous lâchera plus difficilement). Histoire d’être parfaitement objectif, j’émettrai quand même une toute petite réserve : j’ai toujours trouvé les missions qui nous mettaient aux prises avec des créatures surnaturelles moins puissantes que celles qui nous confrontaient à des humains. Mis à part ce bémol, le reste c’est du rêve torturé en dur. 

Les cinématiques :

mag vintage

Thief: The Dark Project (PC, 1998)
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5 réflexions au sujet de “Thief: The Dark Project (PC, 1998)”

  1. Je me le tenterai bien celui là depuis le temps que j’en entends parler (oui, ça date ^^) ça tourne facilement ou faut un émulateur ? ça se joue au clavier seul ou souris ?
    Dans le même genre il y a Commando 2 aussi qui y passera bien un jour (et Croisière pour un Cadavre, mais c’est plus nostalgique là ). Pour Daggerfall, j’ai peur que le gap technologique soit trop cruel.

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    • Le jeu tourne facilement sous la plupart de systèmes (moi je suis sous vista et j’ai un PC vieux de 5 ans qui n’a jamais été monté pour jouer – c’est une brêle). Y’a même une version abandonware sur le site français abandonware (mais c’est pas la version gold, et y’a pas les cinématiques – visibles sur youtube de toute façon). Sinon oui, souris + clavier (entre 25 et 30 touches). A part ça dans mon test j’ai l’air de m’enflammer mais vraiment THIEF, c’est ma plus grand expérience vidéoludique.

      Pour compléter : y’a eu deux suites pour l’instant, un deuxième épisode énorme toujours exclusif PC, et un troisième auquel je n’ai jamais joué, également sorti sur Xbox. Un quatrième est actuellement en préparation.

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  2. Commandos 2, fait gaffe si tu es sous Seven. J’ai eu des problèmes graphiques avec c’était assez affreux. Ou c’était Commandos 3, je ne sais plus…

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