Saw (PlayStation 3, 2009)

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Année : 2009
Studio : Zombie Studio
Éditeur : Konami
Genre : I want to play a (video) game
Joué et testé sur PlayStation 3
Support : Blu-ray


Vous êtes le détective Tapp… et vous n’êtes pas mort ! Contre toute attente, Jigsaw vous a sauvé en retirant la balle qui devait vous être fatale. Mais il en a également profité pour vous implanter une clé dans le corps… Vous vous réveillez alors dans un endroit obscur… Un mystérieux asile abandonné : miroir de votre propre folie destructrice, celle-là même qui vous a poussé à abandonner les vôtres et à tourner le dos à vos principes dans le seul et unique but de mettre, enfin, la main sur Jigsaw ?

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J’adore la franchise SAW. Oui, on peut aimer Ozu, John Ford, Hong Sang-soo et Uwe Boll (non pas Boll, restons sérieux) et être capable d’apprécier des films d’horreur qui tirent à tel point sur la corde qu’ils finissent par donner envie à certains spectateurs de se pendre avec ! Le premier SAW, de James Wan, avait révolutionné le genre à l’époque de sa sortie. Par la suite (d’aucuns diront « les suites ») ça s’est un peu gâté. La franchise a en effet un peu dévié vers la qualité DTV tendance série B voire presque Z. Néanmoins ce côté jusqu’au-boutiste des producteurs (on continue la série même si Jigsaw est mort depuis longtemps, même si l’histoire ne tient plus depuis trois films) confère à l’ensemble un aspect ludique indéniable : on s’amuse vraiment avec  chacun des chapitres de la série en raison de l’insolence des scénaristes (ils osent tout pour faire durer leur saga) mais aussi grâce au soin apporté aux scènes gores : de thriller violent avec le premier SAW, la franchise a en effet rapidement dévié vers le torture-movie gore et inventif. Ludique je vous dis, ludique ! Même un personnage comme Hoffman, un peu décevant de prime abord, a fini par être adopté par les fans : merci au monstrueux final de SAW 5 et à son côté « vigilante indestructible » de SAW 6 (jeux de mot interdits parce que trop faciles – même Laurent Weil sur Canal+ en a fait, et vous ne voulez pas ressembler à Laurent Weil).

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Au niveau du jeu, une précision s’impose : celui-ci aurait pu ne jamais pu voir le jour. Il fut en effet en stand-by (disons presque annulé) pendant plusieurs mois avant que Konami ne se décide à reprendre le flambeau – pour se brûler avec ? Konami en a d’ailleurs profité pour rappeler les deux créateurs de la franchise à la rescousse, dont le génial James Wan. Il faut donc garder la genèse de la bête en tête, quand on juge le résultat final de SAW : jeu bancal, bâclé sur certains points mais aussi diablement euphorisant si vous êtes fan des films. Je suis, pour ma part, extrêmement heureux que le développement du jeu ait pu aller à son terme. Un jeu, même loin d’être parfait, c’est toujours mieux que pas de jeu du tout, non ?

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Ceci étant dit, revenons à nos moutons écorchés : SAW, le jeu, est directement connecté à SAW, le film. Le personnage principal de l’aventure n’est autre que Tapp (Danny Glover dans le long métrage), Amanda fait également une longue apparition dès le début du jeu, rapidement suivie par Obi (le kidnappeur dans le film SAW II, dont la personnalité est ici plus poussée) puis par l’épouse du détective Sing (elle n’apparait pas dans la franchise ciné, mais blâme Tapp pour la mort de son mari dans le jeu). Jigsaw est évidemment de la partie et d’ailleurs l’acteur Tobin Bell est le seul à avoir prêté sa voix au jeu vidéo – c’est sans doute aussi lui qui a le plus de temps libre, entre deux conventions… On retrouve, de plus, quelques pièges célèbres de la franchise : le casque façon piège à ours inversé, le pendule géant terminé par une lame ou encore ces satanées clés plongées, au choix, dans un bac d’acide ou des toilettes remplies de seringues – usagées, c’est plus drôle.  L’aventure est alors découpée (c’est le cas de le dire) en chapitres. Chaque chapitre vous proposera de sauver un personnage important d’un gros piège final. Pour parvenir jusqu’à celui-ci, vous devrez naviguer à vue dans l’obscurité (aidé, au choix, d’une lampe, de votre briquet ou… d’un appareil photo – clin d’œil savoureux) dans les couloirs d’un hôpital psychiatrique désaffecté. Au menu : de nombreux puzzles, quelques énigmes, des combats contre des gens désespérés (ils souhaitent récupérer la clé que Jigsaw a implantée dans votre corps) et des surprises bien glauques disséminées çà et là.

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Alors je vais bien vite balayer de la main les deux principaux défauts du jeu : techniquement c’est évidemment indigne d’une grosse production. Les personnages sont modélisés à la truelle, le framerate est une vraie torture (encore une idée de Jigsaw ?), bref de ce côté-là il n’y a rien à sauver, si ce n’est l’ambiance sonore, excellente, et les décors, bien pensés : oui la direction artistique est très bonne et permet de faire passer la pilule – de cyanure. Deuxième défaut qui pourrait être rédhibitoire pour certains joueurs : la maniabilité. Le personnage répond plutôt bien… sauf lorsqu’il doit se battre. En gros, avec une arme dans la main, vous frappez au ralenti. Paradoxe mal venu : il est plus simple de mettre un ennemi à terre en se battant à mains nues plutôt qu’en luttant avec une batte cloutée… ce qui est fort dommageable, tant les différentes armes utilisables dans le jeu auraient pu se révéler jouissives si elles avaient été réellement bien intégrées au gameplay : pied de biche, lampe, cocktail Molotov, bras de mannequin, manche à balai… Seules les armes qui tuent en un coup sont donc véritablement jouables : seringue, scalpel, pistolet (même si la visée n’est pas un modèle du genre, mais passons). Donc voilà, c’est dit. Si vous pensez que ces deux défauts majeurs sont suffisants pour vous irriter, vous retirer toute notion de plaisir… passez votre chemin. Si, au contraire, vous aimez la franchise SAW et êtes capable d’encaisser un côté technique dépassé et des combats bizarres, je vous invite à lire ce qui suit.

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Alors, prêt pour une partie avec Jigsaw ? Attention malgré tout, car lorsqu’il joue à pierre-papier-ciseaux, lui il utilise une vraie paire de ciseaux ! Pieds nus et briquet à la main, vous voici donc plongé dans l’horreur malsaine – les longs métrages de la série SAW n’étant pas des films d’épouvante, il est normal que le jeu vidéo joue davantage la carte de l’ambiance glauque que du jumpscare. Et attention où vous mettez les pieds : sans chaussures, vous aurez vite fait de vous empaler sur des bris de verre jonchant le sol à dessein (vous écorcher). J’ai cru lire, à l’époque de la sortie du jeu, qu’il s’agissait d’une idée stupide de level design. Je ne suis pas d’accord : marcher pieds nus nous oblige à rester constamment concentré, à avoir l’œil sur le moindre détail. Ce n’est plus une petite épée de Damoclès qui plane au-dessus de nos épaules, mais carrément une énorme chape de plomb ! Ces bris de verre et les pièges susceptibles de vous tuer en un coup (planqués un peu partout) ne font pas, malgré tout, basculer le jeu du côté du die & retry. Il est parfaitement possible d’éviter le verre, tout comme il est très aisé de désamorcer les pièges – il suffit juste de jouer en prenant son temps, c’est-à-dire en évitant de courir comme un testeur pro, pressé par le temps pour rendre son papier et ainsi passer au test suivant. Je ne fais pas de parallèle avec certains MMORPG, non je ne dis pas qu’il faut jouer « roleplay » pour apprécier SAW, mais le casque sur les oreilles et la lumière éteinte, en prenant le temps de disséquer chaque zone, de récupérer quelques objets et d’analyser la situation pour sortir des différents pièges la tête haute (mais pas trop, parfois ils décapitent), oui vous devriez vous amuser. Car c’est en avançant doucement et en variant les plaisirs que SAW dévoile son véritable visage.

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Varier. Oui il est possible de varier les plaisirs. Désamorcer un piège pour le réamorcer derrière vous et ainsi espérer tuer l’un des nombreux minions qui sont à votre recherche. Ou bien préférez-vous créer vous-même une bombe artisanale ? Celles-ci sont de trois types et leurs matériaux sont disséminés un peu partout sur la map. Le combat direct vous sied davantage ? Pas de problème, malgré un gameplay mal pensé, on finit par s’y faire. Vous pouvez également fuir, fermer certaines portes derrière vous afin de condamner de pauvres hères à une mort certaine (casque du piège à ours inversé avec compte à rebours, miam), voire activer certains systèmes électriques et ainsi électrifier des flaques d’eau à certains endroits stratégiques. Si vous ne jouez pas comme un bourrin, il est donc parfaitement possible de transformer certains passages de SAW en véritables « trap games », d’autant plus efficaces que le level design est globalement bien pensé. Certes il ne s’agit pas d’une réussite mirobolante, mais les niveaux parviennent à se renouveler quelque peu (pas évident dans une aventure à huis clos, et par définition pur jeu de couloir – comme les films). De plus, certains endroits peuvent être approchés de plusieurs manières différentes (comme précisé ci-dessus) et le game designer a eu l’intelligence d’inclure de nombreux passages et salles secondaires  au « couloir principal », qui donnent vraiment envie d’explorer les environs – si parfois il s’agit de lieux implantés juste pour renforcer l’ambiance, vous y trouverez souvent des objets utiles à votre progression (par exemple des injections à faire vous-même afin de regagner de l’énergie). À noter, également, que si les couloirs paraissent tous se ressembler, on ne perd en fait jamais le fil (de fer barbelé) de l’aventure, sans pour autant avoir l’impression de tourner en rond ou d’avancer en pure ligne droite. Moi j’appelle cela un level design plutôt chouette.

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Alors oui, j’ai beaucoup aimé le jeu SAW. Mais… si je ne reviendrai pas sur son aspect technique plutôt bâclé dans l’ensemble ni sur son gameplay mal pensé pour les combats, j’avoue avoir regretté une certaine redondance dans les puzzles proposés, ainsi que l’absence de véritables cas de conscience – il n’y en a qu’un, en fait, à la toute fin de l’histoire. Ces choix impossibles font partie intégrante de l’imaginaire des films, ils auraient donc dû être particulièrement mis en avant dans le jeu. Mais oui, vous savez, ces fameux choix impossibles, par exemple : « accepteriez-vous de vous couper un doigt pour sauver un inconnu ? » ; « perdriez-vous un œil pour épargner vos deux jambes ? » ; « préféreriez-vous lire un article de Julien Chièze ou voir le dernier film de Uwe Boll ? »… Dans SAW, le jeu, rien de tout cela. Il s’agira le plus souvent de résoudre des puzzles et énigmes pour sauver quelques individus d’une mort annoncée – et souvent bien crade, oui le jeu va (heureusement) assez loin dans la violence. Voilà, c’est mon principal regret. Car pour le reste, si vous êtes un fan des films, que vous jouez « sérieusement » à vos jeux (en vous immergeant littéralement dedans) et que vous appréciez les survival un peu gores, l’expérience vécue dans SAW vaut le détour. Mon avis est bien évidemment éminemment subjectif, mais j’espère vous avoir donné les armes pour vous forger votre propre opinion sur ce jeu vidéo tant décrié. La balle (de magnum) est désormais dans votre camp : make your choice…

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Qu’est-ce qu’un bon jeu ? Un titre qui doit obligatoirement plaire à la majorité du public ? Oui… si on réfléchit comme un testeur professionnel – et à la rigueur je ne leur jette pas la pierre. Mais la réponse est beaucoup plus complexe que cela. Quid des jeux de niche ? Quid des adaptations truffées de références qui ciblent une frange infime des joueurs ? Bref vous l’aurez compris : oui, pour moi SAW est un bon jeu. Certes ses défauts sont nombreux et seront clairement rédhibitoires pour certaines personnes. Mais si vous êtes fan de la franchise ciné, que vous aimez les survival un peu glauques, les puzzles et les casse-tête (à prendre parfois au sens propre !), eh bien SAW est peut-être fait pour vous.

Images : jeuxvideo.com

 

 

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