Late Shift (PlayStation 4, 2018)

LATE SHIFT
Année : 2018
Studio : CtrlMovie Ltd.
Éditeur : Wales Interactive Ltd. / Limited Run Games
Genre : arnaques, crimes et vidéoludique
Joué et testé sur PlayStation 4
Support : Blu-ray


Matt est un étudiant au passé semble-t-il un peu trouble. Il finance une partie de ses études en travaillant comme gardien de nuit, dans le parking d’un immeuble particulièrement chic de Londres. Passionné de mathématiques, il aime voir le monde comme une succession d’algorithmes. Il risque bien d’avoir besoin de ses connaissances pour peser le pour et le contre des décisions à prendre durant la longue nuit qui l’attend… Le jeune homme va en effet se retrouver embarqué dans une histoire particulièrement tordue, à cause d’un groupe de malfrats pas forcément très au point…

LATE SHIFT est un film interactif – au sens strict du terme. Cette fois, il n’y a pas tromperie sur la marchandise – c’est d’la bonne, comme on dit dans le jargon ! Développé/filmé par Tobias Weber et CtrlMovie Ltd., LATE SHIFT est tout d’abord sorti dans quelques salles de ciné. Oui, oui : sur un grand écran pourvu de fauteuils cossus (vous me répondrez que le concept ne date pas d’hier, puisque déjà en 1961…). Les spectateurs alors présents dans la salle pouvaient influer sur le déroulement de l’intrigue en faisant des choix en temps réel via une appli préalablement téléchargée sur leur smartphone – la majorité des votes remportant logiquement les suffrages. Les choix à faire interviennent à intervalles réguliers – obéir à quelqu’un qui vous tient en joue ou tenter de fuir ? Prendre l’escalier ou bien l’ascenseur pour passer inaperçu ? Ça et tant d’autres… Les choix devant se faire en une poignée de secondes, cela ne nuit aucunement à la fluidité du film – il se passe même, parfois, plusieurs minutes sans aucune décision à prendre. Juste l’histoire, intéressante, à suivre. À la suite du succès critique de LATE SHIFT (notamment plusieurs prix remportés), ce dernier fut adapté sur les consoles de salon. Et a bien évidemment titillé ma curiosité, moi grand fan de jeux en FMV.

Gardien de nuit dans un parking particulièrement chic. Gardien d’ennui pour payer ses études académiques. Matt pensait passer une nouvelle soirée tranquille, le nez plongé dans son manuel de mathématiques. Il n’en sera rien : très rapidement, il se retrouve embarqué malgré lui dans une sombre histoire de vol d’antiquité. Suspense, braquage, violence, révélations… romance ? Le menu de LATE SHIFT se révèle particulièrement consistant. Assez bien filmé et photographié (surtout en extérieur), bien interprété dans l’ensemble, LATE SHIFT tient la route en tant que film à part entière – au rayon petite série B/téléfilm sans prétention certes, mais c’est déjà pas mal… d’aucuns diront même qu’il s’agit d’un exploit quand on prend le temps de se pencher sur la production FMV de ces trente dernières années ! Le scénario est relativement bien ficelé également – surtout quand on sait qu’il a dû être pensé pour offrir plusieurs « routes » au joueur/spectateur. Du coup, c’est très naturellement qu’on lui pardonnera ses facilités scénaristiques – rien de choquant, au demeurant. C’est encore plus vrai qu’une fois lancé dans l’aventure, on se retrouve vraiment immergé dans l’intrigue – ce qui aide encore davantage à fermer les yeux devant les quelques imperfections du récit.

La grande force de LATE SHIFT tient essentiellement en deux choses. Premièrement dans le sérieux affiché par toutes les équipes techniques. Oui, LATE SHIFT est un petit thriller assez crédible. Deuxièmement, dans les choix à faire par le joueur/spectateur ; parfois anodines, les décisions à prendre se rapprocheront aussi souvent de véritables cas de conscience. Des choix à faire en un souffle, un battement de cils. Avec en face de soi le puits sans fond d’un futur incertain, qui pourtant se dessine. Si l’artifice fonctionne d’entrée à plein régime malgré un manque cruel d’émotion – on dévore littéralement l’aventure durant la première partie (comptez environ 90 minutes) – il faut aussi avouer que le charme s’estompe lorsque l’on rejoue à LATE SHIFT une deuxième, voire une troisième fois, afin d’en dénicher les nombreux chapitres et dénouements – sept fins différentes. Surtout, il me semble que le studio CtrlMovie Ltd. a omis une chose extrêmement importante en portant son film interactif sur consoles de salon : l’aspect ludique sur le long terme. Après avoir débloqué la première fin, et laissé défiler les crédits, le joueur/spectateur aurait dû avoir accès à une sélection des chapitres (du moins ceux qu’il aurait préalablement trouvés) avec une option de rembobinage à la clé – comme c’est le cas dans certains visual novels par exemple, afin de pouvoir revenir sur ses pas, faire des choix différents et ainsi avoir l’illusion de participer à une chasse aux trésors scénaristique. Dans LATE SHIFT au contraire, il sera nécessaire de reprendre le film/jeu depuis le tout début si l’on souhaite expérimenter un choix différent, quand bien même celui-ci serait situé vers la fin du récit. Et je ne parle même pas de l’absence totale de bonus – un making of, des interviews ou des storyboards auraient pu venir récompenser le joueur/spectateur chevronné…

Si l’on met de côté ces problèmes, LATE SHIFT est un film interactif exemplaire. Bien fichu, prenant, porté par des techniciens et des acteurs plutôt inspirés, il constitue un spectacle de qualité « téléfilm » intéressant et difficile à lâcher – durant le premier visionnage essentiellement, même si certains devraient aussi s’amuser à défricher les différentes routes prévues par les scénaristes durant les parties/séances suivantes. Après ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : j’aime trop le cinéma pour espérer voir tous les vrais bons films transformés en « simples » produits interactifs, se rapprochant davantage du spectacle de parc d’attractions que d’une véritable œuvre digne du septième art. Mais si ponctuellement des réalisateurs de renommée mondiale se lançaient dans l’aventure avec autant de fougue et de talent que James Cameron dans T2-3D à Universal Studios, assuré de prendre mon pied je signerais assurément des deux mains.

Note :                                                                                                   .

Alors j’entends déjà ruminer les trois pseudo-cinéphiles grincheux coincés au fond près du radiateur. Non, LATE SHIFT n’est pas un grand film. C’est l’évidence même. Mais entre une vraie œuvre d’art filmée et le nanar patenté, il y a un monde fait de petits films et autres séries B qui ont aussi le droit d’exister. Et en prenant un certain recul, il est parfaitement possible de les apprécier. Pour un jeu en FMV, j’irai même plus loin : LATE SHIFT est particulièrement bien troussé, et ses petites incohérences passent presque inaperçues tant le rythme est fluide et le joueur/spectateur immergé dans l’intrigue. Pur film interactif, LATE SHIFT ne propose ainsi qu’un gameplay constitué de choix à faire en temps réel – de vrais choix, disons même des dilemmes qui modifieront profondément la suite des évènements. Au final l’expérience s’avère vraiment amusante, et prenante. Dommage que le studio derrière ce renouveau du jeu en FMV n’ait pas fignolé le tout pour apporter plus de ludisme à la rejouabilité du titre.                                     .

Images : PlayStation.com

Trailer :

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