BAD OMEN
Titre alternatif : Devilish: The Next Possession
Année : 1992
Studio : Aisystem Tokyo
Éditeur : Hot-B
Genre : le couple princier a les boules
Joué et testé sur Megadrive
Support : cartouche
Un prince et une princesse vivaient paisiblement dans leur royaume, en harmonie avec la nature et leurs sujets. Ils étaient loin de se douter que, dans les ombres, œuvrait un terrifiant et sanguinaire seigneur, enviant leur bonheur à chaque instant. Rongé, dévoré par la jalousie, il se décida à jeter un sort au couple princier, et les pétrifia. Chacun d’entre eux épouserait dorénavant les formes d’une longue pierre plate, immobile, et triste. Abandonnés aux quatre vents, les deux rochers virent soudainement une sphère bleue descendre du ciel, qui leur accorda le don du mouvement. Mettant à profit leurs nouvelles formes, solides comme un roc, le prince et la princesse décidèrent de se lancer à l’assaut de la forteresse du démon : en projetant et en faisant rebondir la mystérieuse sphère bleue, ils réalisèrent en effet qu’ils pouvaient causer de terribles dégâts !
Enfant, mon petit monde bascula lorsque je mis la main sur deux jeux Bandai Electronics absolument magnifiques, dont la taille me rappelait les bornes d’arcade et dont les couleurs me firent rapidement oublier les game&watch, plus ternes. Le premier s’intitulait BEAM GALAXIAN et le deuxième était un casse-briques. J’ai passé un temps fou sur ces jeux au point de devenir fan de casse-briques. Ensuite, ARKANOID sur Amstrad enfonça le clou – dans le cercueil d’un genre qui se renouvelait peu, mais ça je l’ignorais alors.
Plusieurs jeux tentèrent d’apporter un peu de sang frais aux belles briques de pixel désormais trop classiques. ZIG ZAG CAT et HOLY STRIKER sur Super Famicom par exemple, ou encore le fabuleux BAD OMEN qui, en plus d’être basé sur un concept original, semble mû par un souffle moyenâgeux et parfois épique. L’ambiance de BAD OMEN, teintée d’heroic fantasy, alterne le merveilleux avec le maléfique. Dès l’écran de présentation, on est dans le bain, acide. Oui les musiques, les images et l’histoire nous immergent et avant même que le jeu ne commence, le joueur a effectué plusieurs pas de décadance, remonté comme une pendule détraquée, dans l’impossibilité de demeurer placide. Et lorsque l’on jette un œil à la jaquette et à la notice, on est frappé, pour ne pas dire ému, par la dureté des illustrations, avec ces amants maudits et désormais pétrifiés par un démon honni. Avec l’aide d’une mystérieuse boule bleue, le couple princier ne restera pas de marbre et utilisera ses nouvelles formes pour progresser vers le repère du monstre en brisant briques, murs, pièges et moult créatures.
Pad en main c’est la confirmation : ce jeu propose incontestablement quelque chose de différent. On y contrôle donc deux paddles à la fois – l’un étant le prince, l’autre la princesse pétrifiés. Le paddle du bas est le plus défensif, il ne peut bouger que sur la gauche et la droite, à la manière d’un casse-briques classique. Celui du haut, offensif, peut monter jusqu’en haut de l’écran (avec la flèche directionnelle) tandis que les boutons A et C le font basculer à la verticale – vous pourrez donc à loisir imprimer différentes directions à la boule, voire littéralement la guider dans certains couloirs plus ou moins étroits, éviter des pièges mortels voire lui faire emprunter des raccourcis salvateurs. Le scrolling n’est pas forcé mais lorsque vous progressez dans les niveaux, vous ne pouvez pas vous permettre de laisser la boule retomber derrière vous – vous perdriez une vie, comme dans un véritable casse-briques. C’est très déstabilisant au début, mais on s’y fait, au point de très vite se surprendre à réaliser des figures improbables avec nos deux paddles – les accoler à la perpendiculaire pour assurer un jet dans une direction donnée, au contraire les laisser très proches l’un de l’autre, à la manière d’inséparables aimants/amants, en les faisant presque se chevaucher pour prévenir au mieux une éventuelle chute de la boule dans le vide, ou encore lancer le paddle supérieur très haut dans l’écran à l’assaut de rochers résistants voire de boss récalcitrants : si la boule se retrouve coincée dans un minuscule espace entre votre paddle et votre cible, elle pourrait bien effectuer de multiples rebonds (et donc autant de dégâts) en une ou deux secondes uniquement. Certains mouvements sont absolument nécessaires, d’autres peuvent paraitre plus osés et ce sera donc au joueur, tête brulée ou cœur léger, de peser le pour et le contre avant de prendre certaines décisions – soit toutes les trois ou quatre secondes ! Oui la pression est constante, les pièges nombreux, le level design absolument génial et le tout est soumis à un chrono serré mais bien pensé surtout en mode easy (seul niveau de difficulté que j’ai pu terminer). En mode normal et hard, c’est un peu abusé à mon sens, surtout que lorsque le compte à rebours tombe à zéro, on est obligé de reprendre le niveau en cours depuis le début !
Il y a sept niveaux en tout, assez courts mais proposant tous une ambiance différente, des pièges variés et des boss originaux, un level design dément. Ici des chutes d’eau qui risquent de vous ralentir et surtout de modifier la direction de la boule, là des briques piégées qui rendent votre paddle supérieur inutile pendant de longues secondes (c’est un malus absolument terrible), des portes qui s’ouvrent et se referment entre lesquelles il faudra vous faufiler, des volcans en éruption qui bloqueront la boule voire des crapauds géants qui la dévoreront ou encore des engrenages impressionnants et donc ces boss variés, très intéressants et valorisants à battre – ne sous-estimez pas celui du niveau 6, qui vous met au défi de sauver le plus de boules possibles : chaque boule encore en jeu à la fin du temps imparti vous octroiera une vie supplémentaire ! Si les autres boss ne sont pas très catholiques, on serait presque tenté de remercier le bon dieu de devoir affronter celui du niveau 6. Bad Amen ! Pour nous aider, des bonus sont également disséminés dans des coffres (paddle plus large, explosion, boule de feu…) et n’oubliez pas non plus de scorer : certaines briques rapportent plus de points, et accumuler ces derniers peut vous permettre d’ajouter une nouvelle vie à votre baromètre.
J’ai beau chercher, je ne trouve qu’un seul vrai défaut à BAD OMEN. Il ne s’agit pas de cette petite part de hasard, inhérente aux casse-briques. Non pour moi le principal souci du jeu est sa maniabilité – plutôt bonne, mais il n’est pas toujours aisé d’imprimer la direction souhaitée à notre boule avec une précision millimétrée, en particulier dans certaines diagonales. Rien de catastrophique, surtout que cela ajoute encore un peu à l’aléa cité plus haut et qui fait aussi partie du contrat, mais il n’y a pas de quoi crier alléluia, en particulier dans les modes de difficulté élevés.
Avec son ambiance incroyable et son originalité folle, BAD OMEN détonne dans le paysage vidéoludique 16 bits. Loin des casse-briques atones, BAD OMEN révolutionne le genre en procurant des sensations presque uniques. Une grande et improbable réussite !
BAD OMEN est un casse-briques très singulier, dont les paddles se conjuguent au pluriel. S’il n’est pas parfait, il est tellement original et ses mécaniques, infernales, qu’il serait particulièrement culotté de faire la fine bouche. Son gameplay, son ambiance et ses boss font de BAD OMEN un jeu clairement inoubliable.
Images : segaretro.org
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