Agatha Christie: And Then There Were None (PC, 2005)

AGATHA CHRISTIE: AND THEN THERE WERE NONE
Titre alternatif : Agatha Christie : Devinez Qui ? Adapté de Dix Petits Nègres
Année : 2005
Studio : AWE Games
Éditeur : The Adventure Company
Genre : en quête d’indices
Joué et testé sur PC
Support : CD-ROM


À bord de son petit bateau, le jeune Patrick Narracott conduit plusieurs personnes qui ne se connaissent pas sur Shipwreck Island. Elles y ont toutes été invitées par un certain monsieur Owen, qu’aucune n’a pourtant jamais rencontré. Très vite isolées du reste du monde en raison d’une tempête et des lignes de téléphone en dérangement, elles vont aussi et surtout devoir faire face à une première mort… bientôt suivie d’une deuxième. Patrick Narracott, seul individu dont la présence ne semble pas avoir été anticipée par Owen, va commencer à mener son enquête.

DIX PETITS NÈGRES est l’un de mes livres préférés. Je me rappelle l’avoir découvert durant ma jeunesse, je devais avoir 11 ou 12 ans, et il ne m’a jamais quitté depuis. Il s’agit de l’un de mes deux livres de chevet, ou délicieux chevalet de torture pour celles et ceux rechignant à se ménager les méninges. D’une importance rare dans l’histoire de l’art narratif, ILS ÉTAIENT DIX, puisque c’est ainsi que le livre a été rebaptisé, a influencé des pans entiers d’œuvres littéraires, vidéoludiques et cinématographiques – jusqu’au personnage de Jigsaw dans la saga SAW.

Trois livres d’Agatha Christie ont été portés sur PC (et sur Wii) par le studio AWE Games, trois livres majeurs qui ont d’ailleurs connu de formidables adaptations au cinéma : AND THEN THERE WERE NONE (le titre anglais d’ILS ÉTAIENT DIX), MURDER ON THE ORIENT EXPRESS et EVIL UNDER THE SUN. Trois jeux au format point&click avec de nombreux dialogues, qui ont comme autre point commun d’être relativement ennuyeux – par exemple le crime, dans EVIL UNDER THE SUN, n’intervient qu’au cinquième chapitre ! Heureusement tout va un peu plus vite dans AND THEN THERE WERE NONE, et les premiers chapitres nous immergent complètement dans l’atmosphère et l’intrigue, bien aidés par des doublages d’excellente qualité (Nolan North qui deviendra la voix de Nathan Drake, Greg Ellis…), une superbe ambiance sonore et de jolis décors.

Le jeu commence intelligemment avec un astucieux truchement : le joueur incarne un nouveau personnage, Patrick Narracott, qui conduisait le bateau ayant amené tous les invités sur l’île. Il s’y retrouvera bloqué comme tout le monde, et en profitera pour y diligenter sa propre petite enquête, avec l’œil avisé de l’invité surpris(e) non concerné par l’ire vengeresse du mystérieux U.N. Owen. On éprouve un véritable plaisir à aller et venir dans les lieux légendaires du livre d’Agatha Christie, ici fort bien retranscrits – et les dialogues, parfois répétitifs et peu naturels, devraient malgré tout plaire aux fans. Le jeu est, de plus, très jouable : on pointe, on clique, notre personnage peut courir pour se déplacer plus vite mais il est vrai que l’inventaire aurait pu être plus pratique – on y cumule de nombreuses notes (parfois importantissimes) et une grande quantité d’objets. Oui il vous faudra faire appel à votre suspension consentie de l’incrédulité pour accepter le fait que votre personnage puisse porter à la fois des verres, un seau d’eau, des paniers de fruits, des draps, des rames et un escabeau !

Passionnant durant ses deux premiers chapitres, AND THEN THERE WERE NONE bascule alors lentement mais sûrement de l’autre côté du pupitre : la faute à l’intrigue, dont tout le monde ou presque connait désormais les tenants et les aboutissants. Pourtant ici il y a quelques savoureuses nouveautés, hélas le jeu ne nous met jamais en position de résoudre véritablement l’affaire : on subit les meurtres davantage que l’on ne les élucide, et les choix de dialogue sont en fait un leurre (il faut tous les sélectionner en général). Quant aux différentes fins, elles ne découlent que de nos toutes dernières décisions (les deux minuscules derniers chapitres). L’objectif n’est donc plus vraiment de démasquer le ou la coupable, mais plutôt de trouver quoi faire pour débloquer le script et avancer au chapitre suivant. Il y a heureusement de nombreuses choses à faire durant l’aventure, des lieux nouveaux et inattendus, des énigmes parfois tordues, de nombreux objets à trouver, à examiner et souvent à cumuler pour en créer d’autres. Ce n’est pas toujours très clair d’ailleurs, notamment à partir du chapitre 3 durant lequel le niveau de difficulté monte d’un cran – pour subitement commencer à redescendre dans le chapitre suivant, et ce jusqu’à la fin du jeu.

Avec son atmosphère envoutante et ses décors très réussis, AND THEN THERE WERE NONE est loin d’être un mauvais jeu, il peine hélas à passionner sur la longueur, à prendre le pas sur la langueur, la faute à cette intrigue connue de tous et à ces scripts à débloquer sans trop savoir comment afin de progresser jusqu’au meurtre suivant – nombreux allers-retours à la clé. Il y a aussi des quêtes annexes, mais il n’est pas toujours aisé de savoir si la quête en question est accessoire ou au contraire indispensable à la progression de l’intrigue – par exemple récupérer les empreintes digitales des invités m’était apparu comme quelque chose d’important, alors qu’en réalité il s’agissait juste de l’une de ces petites quêtes annexes…

Si certains amateurs apprécieront sans nul doute le jeu d’AWE Games, ses élégants décors et ses douces infidélités à l’œuvre originale (plusieurs dénouements disponibles), un joueur moins motivé risque gros : en plus des dix invités cruellement assassinés de jour comme de nuit, le joueur en question pourrait bien devenir la onzième victime, en mourant d’ennui.

Note :   Nostalgie :

AND THEN THERE WERE NONE est finalement un point&click relativement classique, loin d’être mauvais mais oubliable. La part d’enquête inhérente à l’intrigue imaginée par Agatha Christie est souvent laissée de côté, et c’est regrettable. On subit les meurtres plus qu’on ne les élucide, et si l’atmosphère est envoutante, elle est aussi peu oppressante. À moins d’être un énorme fan de l’œuvre d’Agatha Christie, relire le livre original, ou redécouvrir l’excellent film de 1945 (malgré ses petites infidélités) semble plus recommandable que de jouer au jeu d’AWE Games.

Bande-annonce :

 

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