GRADIUS V
Année : 2004
Studio : Treasure
Éditeur : Konami
Genre : Vic Viper au poing
Joué et testé sur PlayStation 2
Support : CD-ROM
En 8010, la planète Gradius est une nouvelle fois la cible des extraterrestres Bacterians. Aux commandes de sa navette spatiale Vic Viper T-301, qui dispose cette fois de quatre systèmes d’armement différents permettant plusieurs stratégies avec les modules (appelés options), le pilote surdoué chargé de défendre Gradius va devoir faire face à un gigantesque vaisseau Bacterian paressant surgir d’une improbable faille spatio-temporelle. Curieusement, la vaisseau en question semble poursuivi par un autre Vic Viper. De qui peut-il bien s’agir ? Pour avoir la réponse, il vous faudra survivre à des batailles titanesques au sein de ceintures d’astéroïdes d’une densité extrême, parvenir à vous faufiler dans des couloirs étroits et truffés de pièges, détruire des créatures colossales et gluantes, ainsi que de nombreux ennemis mécaniques aux points faibles scintillants qui ne devraient pas résister bien longtemps aux coups de boutoir de vos lasers, missiles et modules en tous genres.
GRADIUS est une série de shoot’em up absolument culte et qui fait toujours verser une larme de nostalgie aux joueurs ayant connu les années 80 – une larme, des jurons et de grosses perles de sueur sur le front. Car aussi réussis et grandioses qu’ils aient été, les premiers GRADIUS sont également les reliques d’une époque révolue et impitoyable où brillait une certaine idée de la rigidité. GRADIUS V incarne en réalité le premier saut de la série dans l’inconnu, cette modernité avec laquelle on a désormais plus d’atomes crochus.
Si le passage de témoin avait été partiellement réalisé avec GRADIUS GAIDEN en 1997 sur PlayStation, cette fois-ci Konami enfonce le clou – mais aucunement dans le cercueil de la série, puisque GRADIUS V en reprend intelligemment tout le sel et le charme mais sans les pixels : on retrouve ainsi le gameplay mythique et bien rodé des anciens GRADIUS, à base de pastilles à récupérer pour améliorer notre vaisseau. Un speed-up coûte une pastille, les missiles deux, et ainsi de suite avec en ligne de mire les options, ces modules ressemblant à des drones de combat et dont le nombre peut monter jusqu’à quatre. Mais le studio Treasure porte décidément bien son nom : ses idées pour moderniser le gameplay de la série sont particulièrement précieuses et la valeur de l’ensemble s’en retrouve décuplée. Avant de débuter une partie il est en effet possible de choisir un arbre de compétences (d’améliorations) parmi quatre, avec comme principale conséquence la gestion des options qui diffère grandement de l’un à l’autre – les meilleurs choix sont, à mon sens, les deux premiers systèmes. Le premier permet de bloquer les options dans une direction donnée en appuyant sur R1, tandis que le deuxième permet d’orienter les options dans n’importe quelle direction en appuyant sur la même gâchette. Cette dernière méthode peut faire des ravages mais est difficile à maitriser. En tout état de cause, la gestion de ces options, défensives ou offensives, est absolument jouissive, l’éventail des possibles est immense et, si le jeu est difficile il ne parait jamais impossible.
Eh oui, concernant la difficulté, ne soyez pas abusé par les termes utilisés dans le menu des options du jeu. On a beau piloter le Vic Viper, ici on avale bien des couleuvres : les modes easy et super easy sont des leurres, avec Treasure vous avez payé pour en baver ! Mais, et cela paraitra paradoxal à certains, vous souffrirez en nageant dans le bonheur. En effet si le jeu est long, et difficile, il est aussi très valorisant et vous vous surprendrez à progresser à chaque nouvelle partie, à vous relever de votre précédent tas de tôles froissées et noircies avec la mâchoire serrée mais le sourire du joueur transi caché pas loin derrière. La courbe de progression est sublime et même si la côte est parfois particulièrement raide, les développeurs ont eu l’intelligence d’implanter un système ajoutant un crédit supplémentaire après chaque heure de jeu – si le joueur finit parfois ses parties exsangue, l’espoir lui ne tire jamais la langue.
Techniquement, pour nos sens le jeu est un régal de tous les instants : ce mélange de 2D et de 3D est d’une rare élégance, et on prend un plaisir infini à naviguer dans les écrans absolument mirifiques du jeu – le level design est sensationnel, Treasure ayant ici sublimé les idées déjà novatrices des anciens jeux. On retrouve ainsi ces parois organiques qui gonflent sous l’effet d’une respiration damnée, nous obligeant à nous faufiler entre les membranes de créatures oubliées, réveillant en nous des peurs ataviques. Certains couloirs truffés d’ennemis et de pièges mécaniques nous demanderont aussi un sang-froid à toute épreuve quand, dans l’espace, cette fois quelqu’un nous entendra crier : certains passages regorgent d’astéroïdes et un boss les utilisera d’ailleurs pour nous submerger. Mais là où Treasure a une nouvelle fois bien fait les choses, c’est dans la taille de notre hitbox : celle-ci est proche de celle d’un danmaku, ce qui nous permet d’exécuter des slaloms et autres passes d’armes d’une rare intensité. Les boss sont fabuleux et certaines séquences les mettant en scène sont absolument cultes, les musiques sont trépidantes et une fois le jeu terminé, on débloque de nouvelles armes ce qui donne clairement envie de remettre une pièce dans la machine, par exemple pour se frotter aux niveaux de difficulté supérieurs tout en affinant nos stratégies – le Riddle est une arme formidable qui peut couvrir une large zone, quant au Fire Blaster, une espèce de lance-flammes, couplé au Type 4 des modules (Rotate) il permet d’aborder le jeu avec une nouvelle optique : batailler à bout portant pour faire des dégâts colossaux ! C’est aussi l’un des charmes de GRADIUS V : un shoot’em up facile à prendre en main qui pousse le joueur méritant à se sublimer, à perfectionner son style et ses techniques.
Malgré tout, les joueurs lambdas trouveront peut-être quelques défauts au jeu – et je ne leur jette pas la pierre, ni l’astéroïde. La difficulté de GRADIUS V semble en effet parfois légèrement abusée – le passage dans le niveau infesté de nuages toxiques par exemple, ou encore ces couloirs étroits et infestés de tourelles tandis que le scrolling, assassin, accélère aussi vite que notre cœur sur le point de flancher. Était-ce bien nécessaire ? Surtout que l’on risque, à tout moment, de repartir non pas nu comme un ver (on peut essayer de récupérer quelques modules, ouf), mais lent comme un escargot – et si vous vous retrouvez sans speed-up face à certains passages extrêmement retors de la fin du jeu, vous regretterez de ne pas avoir souscrit une bonne assurance vie ! Ces écueils mis de côté, qui seront d’ailleurs jugés différemment selon le niveau du joueur concerné, GRADIUS V, magnifique symbole de l’hubris maitrisée de Treasure, peut sans doute être considéré comme un chef d’œuvre du genre. Avec un œil dans le rétro et un autre astucieusement dirigé vers une ère plus moderne du jeu vidéo, le hit de Konami marque un peu la fin d’une époque. Mais malgré ses atours de chant du cygne, de chant qui saigne, il a su traverser l’espace et les âges en marquant au fer rouge les amateurs de shoot’em up de différentes générations.
Note : Nostalgie :
Certes GRADIUS V est difficile, il m’a fallu lutter de nombreuses heures avant d’entrevoir le bout du tunnel stellaire concocté par Treasure. Mais si la courbe de progression est parfois un peu rude, elle est aussi pensée pour pousser le joueur à se perfectionner – et désormais je parviens à finir le jeu à chacune de mes parties (mais pas en mode hard, malheureux !). Habilement tourné vers une certaine modernité (la hitbox, par exemple, ou encore les différents systèmes d’armement), GRADIUS V n’en oublie pas pour autant ses racines acides et assassines en nous plongeant régulièrement dans ce qui a fait le sel et le charme fatal de la série. Cerise sur le gâteau : on peut même jouer, et bien évidemment mourir à deux.
Images : Jeux vidéo et des bas / YouTube
Petite présentation dans Game One (2006) :