Wings (Amiga, 1990)

wings_box-cover-amiga_1990-cinemawareicone amiga_500WINGS
Année : 1990
Studio : Cinemaware
Éditeur : Cinemaware
Genre : las des as ? Non !
Joué et testé sur Amiga 500
Support : disquettes


L’histoire du 56ème escadron, de 1916 à 1918. Préparez-vous à voler sous les ordres du colonel Farrah – un officier juste, qui mouillera sa chemise pour vous protéger mais qui n’hésitera pas à vous mener la vie dure en cas de défaillances répétées de votre part. Retenez votre souffle, car dans les airs votre seul ami sera votre avion, un coucou pas toujours très stable et qui vous semblera parfois un brin dépassé face aux terribles engins de guerre de l’armée allemande. Un aviateur risque tout particulièrement de retenir votre attention. On le surnomme le « baron rouge »…

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WINGS, sur Amiga, c’est une certaine idée de la petite histoire dans la grande. Et préparez-vous à sortir plusieurs poupées gigognes, car il sera ici question du destin de nombreux hommes. Héros glorieux ou simples pilotes anonymes ayant versé leur sang, sacrifié leur famille, pris les risques les plus fous afin de défendre la mère patrie. Une mère aux dents longues, et à l’appétit insatiable quand il s’agissait de dévorer les forces vives de la nation. Oui, il sera ici question de la Grande Guerre. La sombre. La mangeuse d’hommes.

Ce n’est donc pas pour rien si j’ai parlé de prendre les risques les plus fous. WINGS est un jeu d’aviation se déroulant lors de la première guerre mondiale et qui vous propose donc de piloter un coucou pas forcément très fiable… C’est là que le jeu de Cinemaware (plus arcade que simulation) fait très fort puisque votre avion peut connaître des soucis techniques. Votre moteur peut capoter (ne tentez pas de manœuvres trop ambitieuses) et votre canon mitrailleur peut s’enrailler ! De même, lorsque vous êtes touché par des tirs ennemis, les dégâts sur votre avion apparaitront en temps réel sur votre écran et impacteront diversement votre pilotage. Oui, les dégâts sont « localisés » et vont d’un jeu plus ou moins grand dans la direction en passant par un canon détruit ou à l’impossibilité absolue de manœuvrer votre véhicule. Détail incroyable : en cas de problème technique sévère, la mort n’est pas inéluctable. Certes vous n’avez pas de parachute ni de siège éjectable à votre disposition (dans les années 1910…), mais vous pouvez toujours tenter un atterrissage en catastrophe. Il n’y a aucun déshonneur à survivre à l’enfer des armes.

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Pour pallier à ces soucis techniques, WINGS vous permet de créer votre propre personnage et de lui attribuer certains points de compétence (tir, mécanique, pilotage, endurance). À vous de voir… Est-il vraiment intéressant de monter la stat « mécanique » et ainsi pouvoir bénéficier d’une mitrailleuse plus solide, ou vaut-il mieux taper prioritairement dans les compétences de combat ? Ces choix ne sont pas anodins. Surtout, ils permettent de se familiariser avec différentes compétences très importantes puisque évolutives ! En effet, suivant vos statistiques en combats, vos échecs et vos réussites, votre personnage s’améliorera ou, au contraire, régressera.

Si WINGS, exclusivité Amiga, est un jeu absolument inoubliable, c’est qu’il est le résultat d’un vrai travail d’orfèvre, aussi bien sur le fond que sur la forme. Sur la forme il n’y a rien à redire : malgré des ralentissements ponctuels lorsque le ciel est chargé (une dizaine d’avions), techniquement c’est solide et Cinemaware (IT CAME FROM THE DESERT) nous livre ici une copie magnifique. Musiques cinéma, graphismes grandioses et gameplay très simple, c’est vrai, mais super intuitif et indémodable. Certes, il est impossible de jouer sur la vitesse de l’avion, ce qui peut déstabiliser au premier abord. Mais cette simplification des commandes fait aussi que le gameplay de WINGS ne vieillit pas : on se focalise sur les dogfights, les cibles prioritaires et on tente de bien gérer le stress de la mort subite – une balle est si vite arrivée… Détail génial : en l’absence de rétroviseur, c’est la tête de votre pilote qui va vous indiquer la position des avions allemands situés hors de votre champ de vision. Excellent ! Quelques touches du clavier permettent aussi de regarder distinctement sur la droite et sur la gauche de votre avion, mais je ne trouve pas cela très intuitif, surtout en plein combat.

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Sur le fond, c’est tout aussi exceptionnel. Je le dis d’ailleurs sans détour : David Cage n’a rien inventé avec son HEAVY RAIN. En effet, dans WINGS vous ne ferez face à aucun écran de game over puisque si vous mourez l’histoire continue, et vous créez un nouveau pilote qui repart à zéro – les anciens pilotes sont conservés dans le mémorial. Il y a donc plusieurs moyens de vivre l’aventure : soit on essaie de s’accrocher à un pilote en rechargeant sa dernière sauvegarde en cas de crash, soit on se la joue sans filet, on ne sauvegarde pas et quand on meurt, on tourne la page. Et le joueur repart avec un nouveau personnage. Notez que la présence d’un mémorial n’est pas anecdotique : il donne une âme à l’histoire. Celle-ci est par conséquent très personnalisée, avec une foultitude de petites anecdotes fictives mélangées à des faits historiques bien réels qui donnent l’impression de vivre littéralement l’aventure. Chaque perte, chaque pilote blessé est pris au sérieux et affiché à l’écran – quand les morts ne sont pas comptabilisées dans le mémorial précité. Et ça marche : c’est toujours un crève-cœur quand on perd quelqu’un… À noter que les faits historiques réels qui parsèment les anecdotes souvent romancées de WINGS sont très intelligemment intégrés au récit. Bien évidemment le jeu fait référence aux grandes batailles de l’époque, aux bases les plus importantes de France mais aussi à des pilotes qui ont véritablement existé, comme Max Immelmann, Georges Guynemer, Boelcke ou encore et surtout Manfred von Richthofen – aka le Red Baron ! Il est ainsi particulièrement amusant (et enrichissant) de voir son nom cité durant l’année 1916, où il n’est mentionné que comme un jeune crack, et pas encore comme la légende qu’il sera bientôt. Au travers de ces anecdotes transpire aussi une certaine idée de la fraternité entre tous ces fous volants – qu’importent la nationalité et l’armée qui les poussaient à prendre des risques insensés aux commandes de vieux coucous. Les pilotes français, britanniques ou allemands faisaient tous le même sale boulot. Ils se respectaient. Aussi ne soyez pas surpris de voir des aviateurs alliés participer à un vol pacifique en hommage à la disparition d’un ennemi disparu.

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L’histoire, dans WINGS, évolue donc sur plusieurs plans. Tout d’abord les anecdotes privées des pilotes, ces petites histoires colorées qui donnent une vraie profondeur à des personnes qu’on ne voit pourtant pas vraiment – par exemple ce cas de conscience à propos d’un camarade déserteur (n’oubliez pas que le film LES SENTIERS DE LA GLOIRE fut interdit pendant 18 ans en France !). Ensuite les statistiques de vol : nombre d’adversaires descendus, de missions réussies, les médailles obtenues… ça n’a l’air de rien, mais un tableau de chasse évolutif ça fait rudement plaisir – indépendamment du fait que votre grade change en conséquence. Et enfin l’Histoire. La vraie. La terrifiante. Celle-ci balaie presque toute la période de la première guerre mondiale et n’est pas avare en faits historiques bien réels. Passionnant !

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La majeure partie des missions se déroule en phase « simulation ». Vous êtes dans le cockpit, la caméra est placée juste derrière le pilote. La carte du monde qui défile sous vos yeux est représentée en 3D dont la distance d’affichage, si elle est bien évidemment incomparable avec les jeux d’aujourd’hui, demeure malgré tout correcte : vous pouvez littéralement voir des bases au sol ou un avion ennemi arriver de très loin – certes il vous faudra faire preuve d’un brin d’imagination et être super attentif, mais cette attention est aussi le reflet d’une réalité. Durant la première guerre mondiale, les aviateurs n’avaient pas de radar et encore moins de GPS à bord. Ces gars-là étaient d’authentiques héros, de vraies têtes brûlées.

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Toutes ces missions en 3D durant lesquelles il vous faudra patrouiller, dézinguer de l’avion allemand, détruire des ballons ou au contraire protéger des installations alliées, constituent le nerf du gameplay. L’âme de WINGS. L’assurance de sensations folles et grisantes, ponctuées en de rares occasions par des petites surprises scriptées (quand on est pris en chasse !), le tout se permettant le luxe de gérer un petit cycle jour-nuit (plus l’heure avance, plus l’horizon s’obscurcit : ne tardez pas trop !). Mais WINGS ce n’est pas que ça. Pour apporter un peu de variété à l’aventure à l’épopée, Cinemaware a aussi inclus des missions beaucoup plus typées arcade, à la limite du shoot’em up. Celles-ci sont de deux types. Tout d’abord en 3D isométrique. Là, il vous faudra canarder des trains, des convois, nettoyer des tranchées, que sais-je encore. En vue aérienne, ensuite. Vous devrez alors bombarder des cibles bien précises (routes, bâtiments, trains, sous-marins, etc.). Très sympas au début, ces missions qui tranchent complètement par rapport à l’ambiance réaliste des nombreux niveaux en 3D (le fil rouge de WINGS), finissent par devenir un brin usantes en raison de leur difficulté. En effet, on s’y fait canarder plus que de raison ! Heureusement, Cinemaware a eu un coup de génie : afin de cantonner ces petites missions au simple rang de « stages bonus » uniquement présents pour varier les plaisirs, les développeurs ont décidé de ne pas sanctionner leur échec par la mort du joueur. En gros, si votre avion s’embrase comme une torche sous les coups de boutoir de l’artillerie allemande, on considère que vous parvenez malgré tout à poser votre coucou en catastrophe et à rentrer à pied à votre base. Ce qui n’est pas forcément dénué de logique, étant donné que ces missions se déroulent toujours à basse altitude. Un coup de maître de la part de Cinemaware, et une preuve supplémentaire de leur intelligence en matière de game design. Le poids invisible de la mort injuste en moins sur les épaules, c’est donc avec le sourire du soldat décomplexé que vous survolerez désormais les champs de batailles et les tranchées de ces petites missions bonus – attention néanmoins, car leur résultat influe sur vos statistiques et compétences.

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Come get Somme !

Pour terminer, un mot sur les influences cinématographiques qui transpirent littéralement de WINGS. Le jeu de Cinemaware n’est pas seulement un témoin de la triste histoire des Hommes. Il est aussi l’une des rares manifestations de la survivance des premiers pas du cinéma. Je l’ignorais à l’époque, mais WINGS – le jeu, est en réalité un gros clin d’œil à WINGS – le film. En effet, tout indique que le jeu s’inspire de cette œuvre incroyable et géniale réalisée en 1927 par William A. Wellman – jusque dans la présence de ces panneaux retranscrivant les paroles du personnage principal, se référant directement aux pratiques du cinéma muet. C’est ça qui est le plus fou, avec le jeu de Cinemaware. Il n’est pas à prendre à la légère puisqu’il constitue, à mon sens, un triple passage de témoin pour les générations futures. À la fois historique, cinématographique et vidéoludique. Ou comment sublimer les genres et dépasser les frontières de différents médias pour les mélanger et les faire survivre à l’usure du temps.

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WINGS est par conséquent un jeu absolument exceptionnel. Tout d’abord, il est long. Il m’a ainsi fallu plus de 20 heures réparties sur plusieurs mois pour le terminer dans l’objectif de publier ce test – même si cette longueur est aussi, peut-être, le seul revers de la médaille militaire : la variété des missions, bien réelle, finit par ne plus être suffisante pour ne pas se heurter à une certaine redondance. Heureusement WINGS est aussi extrêmement immersif grâce à la personnalisation du récit et la possibilité de continuer une partie malgré la perte de son pilote. Parfois épique, quand on est obligé de faire face à des combats en infériorité numérique, ou tout simplement humain, lorsque l’on doit se résoudre à fuir le combat à cause d’un avion trop diminué, WINGS va vous faire traverser la Grande Guerre comme si vous y étiez. Préparez-vous pour des sensations folles : votre avion qui tangue dangereusement à cause de l’artillerie au sol qui vous canarde (quelle panique !), le bruit des balles qui sifflent et les ailes de votre coucou qui se font trouer comme du gruyère, un atterrissage en catastrophe, voire un morceau de bravoure improbable et un face à face dantesque entre deux avions partis pour se percuter si l’un d’eux ne lâche pas avant l’autre.

Préparez-vous à défourailler du ugly mother fokker !

Note : Nostalgie : aigle en or blason jvedb

WINGS est un jeu dantesque, une exclusivité de poids pour l’Amiga (portée depuis sur GBA et sur PC dans une édition remastered) qui a l’intelligence de proposer de vrais dogfights nerveux tout en respectant l’histoire de la Grande Guerre – de nombreuses anecdotes et quelques personnages réels sont intégrés au récit. L’intelligence des développeurs se retrouve également dans le gameplay, qui n’oublie pas de nous rappeler que piloter des avions, à cette époque-là, demandait un courage fou – pas toujours très maniable, votre coucou peut ainsi tomber en rade si vous tentez des manœuvres trop ambitieuses. Un peu trop long pour certains joueurs, peut-être, parfois un brin injuste (les missions à quatre contre dix, sans rire…), mais avec WINGS il n’y a pas tromperie sur la marchandise : vous traverserez toute la Grande Guerre de long en large, et en travers des tranchées. Cela ne pouvait décemment pas se faire avec un jeu qui se finissait en seulement deux temps trois mouvements…

Images : jeux vidéo et des bas


mag vintage

2 réflexions au sujet de “Wings (Amiga, 1990)”

  1. Merci pour ce test, empli de passion mais aussi d’objectivité 🙂 Wings était un de mes jeux fétiches, tout comme Knight of the Sky sur la même machine qui abordait un peu le même esprit tout en étant légèrement plus axé simulation 3D

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